par Richard Balmforth

KIEV, 17 février (Reuters) - Une amnistie est entrée en vigueur lundi pour les manifestants de l'opposition ukrainienne qui n'ont pas pour autant renoncé à réclamer la réduction des pouvoirs présidentiels et la formation d'un gouvernement indépendant du chef de l'Etat, Viktor Ianoukovitch, après douze semaines de crise politique.

L'amnistie, applaudie par l'Union européenne, prévoit la levée des poursuites judiciaires engagées contre les manifestants pour des infractions commises entre le 27 décembre et le 2 février. Cette période couvre une semaine d'affrontements sanglants qui ont coûté la vie à six personnes et fait des centaines de blessés au mois de janvier.

Dimanche, les opposants ont accepté d'évacuer la mairie de Kiev qu'ils occupaient depuis deux mois, condition posée par le pouvoir pour l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie.

Mais les tensions demeurent vives dans l'attente des prochaines décisions de Viktor Ianoukovitch, que les opposants soupçonnent de vouloir temporiser pour ralentir l'élan de la contestation.

La gravité de la situation économique, dont témoigne la diminution des réserves en devises de la banque centrale afin de soutenir la hryvnia, la monnaie nationale, devrait cependant contraindre le président à nommer sans tarder un nouveau Premier ministre en remplacement de Mikola Azarov, limogé le 28 janvier.

Cette nomination pourrait en effet accélérer le versement par la Russie d'une nouvelle tranche de son programme d'aide de 15 milliards de dollars, mais si le chef de l'Etat résiste aux changements constitutionnels réclamés par les opposants et nomme un "faucon", la rue risque à nouveau de s'enflammer, avertit l'opposition.

REDEMARRAGE COMPLET

"Les gens veulent un redémarrage complet du système", a expliqué lundi l'ancien boxeur Vitali Klitschko, l'un des chefs de file de l'opposition, qui réclame la suppression du contrôle par le chef de l'Etat du gouvernement et de la justice.

"On nous dit que la Constitution ne sera pas rédigée avant septembre, mais nous sommes dans une situation critique et les gens exigent d'être entendus immédiatement", a-t-il dit à l'issue d'une réunion des groupes parlementaires.

La crise ukrainienne, d'une ampleur sans précédent depuis la "révolution orange" de 2004, a été déclenchée par la décision de Viktor Ianoukovitch, en novembre dernier, de ne pas signer un accord de partenariat avec l'Union européenne au profit d'un rapprochement avec la Russie.

En dépit des derniers gestes de conciliation de part et d'autre, l'atmosphère reste électrique sur Maïdan, la place de l'Indépendance devenue le symbole de la contestation.

"Je ne vois pas beaucoup de changement. Les gens veulent toujours voir partir les dirigeants. Et la loi d'amnistie ne change rien. Le parlement doit comprendre qu'il faut tout changer - la Constitution, les lois, le président et même le parlement", déclare Viktor Stelmakh, un manifestant âgé de 45 ans venu de la région de Jitomir, à l'ouest de Kiev.

"Je ne veux pas que le Ianoukovitch d'aujourd'hui soit simplement remplacé par un autre Ianoukovitch."

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)