BERLIN (Reuters) - Les dirigeants de la Banque centrale européenne (BCE) se dirigent vers une augmentation temporaire et limitée du programme "historique" d'achats d'actifs (APP) après l'arrêt en mars prochain du Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP) lancé en urgence en mars 2020, a-t-on appris de plusieurs sources.

Malgré ce relèvement du volume mensuel d'achats de titres dans le cadre de l'APP, actuellement de 20 milliards d'euros, l'ensemble des achats de titres de l'institution serait nettement réduit.

Cette évolution de l'APP, qui sera débattue lors de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs le 16 décembre, viserait à maintenir les rendements obligataires sous contrôle après la fin du PEPP, doté de 1.850 milliards d'euros, sans pour autant mobiliser une puissance de feu trop importante alors que l'inflation reste élevée et les perspectives de croissance incertaines.

Un compromis est en train de se dessiner sur une augmentation de l'APP mais avec des limites sur l'ampleur et la durée de ce renforcement, a appris Reuters de six sources proches des débats, ce qui laisserait aux membres de la BCE de la flexibilité pour ajuster leur politique en cas de besoin.

Parmi les options à l'étude, la BCE pourrait approuver une enveloppe d'achats allant jusqu'à fin 2022 en précisant qu'elle ne serait pas pour autant dépensée en totalité, ont indiqué ces sources.

Elle pourrait également décider d'augmenter les achats pour une période plus courte en s'engageant à les poursuivre par la suite tout en reportant le débat sur le montant futur, qui serait probablement réduit si la situation économique s'améliore comme prévu.

Dans tous les cas, les achats d'actifs à partir d'avril seraient nettement inférieurs à ce qu'ils sont actuellement en combinant le PEPP et l'APP.

Un porte-parole de l'institution s'est refusé à tout commentaire.

PAS DE HAUSSE DES TAUX

L'engagement de la banque centrale n'irait pas au-delà de 2022, une condition essentielle pour les membres les plus conservateurs de l'institution, qui craignent que l'inflation ne retombe pas comme attendu sous l'objectif de la BCE fixé à 2%.

Certains membres du Conseil souhaitent néanmoins préciser que les achats d'actifs se poursuivront au moins jusqu'à fin 2022 afin de décourager les anticipations de hausse des taux. Les orientations données par la BCE sur l'évolution future de sa politique (la "forward guidance") excluent toute hausse des taux tant que les achats d'obligations se poursuivent.

Les points de vue sur l'inflation divergent entre les "colombes" du Conseil, dont fait partie l'économiste en chef Philip Lane, qui estiment que l'inflation devrait refluer rapidement courant 2022 et se maintenir ensuite en dessous de 2% pendant plusieurs années, et les "faucons" qui redoutent une hausse des prix durablement plus forte.

Ces derniers s'opposent à une augmentation des achats dans le cadre de l'APP mais beaucoup admettent en privé qu'un virage trop brutal en la matière serait trop risqué et qu'une augmentation est nécessaire pour éviter des tensions sur les marchés.

Ils réclament toutefois une flexibilité plus grande que d'habitude, ce qui obligerait la BCE à reconfirmer régulièrement les volumes d'achats, comme elle l'a fait au cours des derniers trimestres.

Une augmentation illimitée dans le temps des achats d'obligations est hautement improbable, ont fait valoir les sources, tout comme la création d'un nouveau programme, que préconisent certains dirigeants.

Alors que certains font pression pour retarder des décisions sur des questions clés compte tenu des incertitudes conjoncturelles, les sources ont déclaré que la décision sur la fin du PEPP était inévitable et que celle sur l'APP était nécessaire même si certaines modalités techniques, sur la flexibilité entre autres, restent à régler.

Un autre point sur lequel une décision peut attendre est celui de la révision des orientations qui prévoient désormais un relèvement des taux "peu après" la fin des achats d'obligations sur les marchés.

Les sources ont expliqué que la BCE pourrait signaler qu'un dispositif d'urgence resterait disponible en cas de besoin au-delà du 31 mars et que les quelque 100 milliards d'euros restant pourraient alors être utilisés en cas d'important remous sur les marchés.

Elles ont ajouté que la BCE pourrait faire preuve de souplesse dans la manière dont elle réinvestit les liquidités provenant des obligations arrivant à échéance, en se concentrant sur les marchés susceptibles de connaître des tensions.

(Reportage Balazs Korany et Francesco Canepa, version française Laetitia Volga, édité par Marc Angrand)

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa