Francfort (awp/afp) - La Banque centrale européenne devrait confirmer jeudi sa stratégie de durcissement monétaire progressif, même si la sérénité affichée par l'institution est mise à l'épreuve par les menaces qui s'accumulent sur la conjoncture en zone euro.

La BCE ne devrait pas dévier de ses indications données en juin et réaffirmer sa décision d'arrêter fin décembre les achats nets d'actifs sur le marché ou "QE" (assouplissement quantitatif), un programme déjà limité à 15 milliards d'euros par mois depuis octobre.

Par ailleurs, l'institut monétaire compte maintenir ses taux directeurs à leur plus bas niveau "au moins" jusqu'à l'été 2019, une échéance qui sera progressivement précisée l'an prochain.

Les regards se porteront vers la traditionnelle conférence de presse du président de l'institution francfortoise, Mario Draghi, dont l'évaluation de la situation économique sera scrutée à la loupe.

Car dès la précédente réunion de septembre, certains membres du conseil des gouverneurs avaient suggéré de noircir le discours au vu des signes de refroidissement en zone euro, selon le compte-rendu de leurs échanges.

Coup de frein

La BCE avait finalement maintenu sa formule des mois précédents, qualifiant de "globalement équilibrés" les risques sur la croissance, mais tout changement de ton ce jeudi pourrait secouer les marchés financiers.

Confirmant une série d'indicateurs mitigés, la croissance de l'activité privée a atteint en octobre son plus bas niveau en zone euro depuis deux ans, freinée par une baisse des exportations, selon l'indice PMI publié mercredi par le cabinet Markit.

Outre la guerre commerciale qui couve depuis des mois entre Washington et ses principaux partenaires, la perspective d'un Brexit sans accord et du conflit budgétaire avec l'Italie alimentent l'inquiétude.

Dans une décision inédite, la Commission européenne a rejeté mardi le budget italien, très éloigné des engagements pris par le précédent gouvernement. La coalition populiste au pouvoir a trois semaines pour présenter un budget révisé.

L'Italie a déjà vu l'agence Moody's dégrader vendredi la note de sa dette, au dernière cran avant la catégorie spéculative qui compromettrait son financement, et attend ce vendredi le verdict de Standard and Poor's.

Mais si les risques s'accumulent, "ils ne sont pas encore matérialisés ou, du moins, pas complètement", estime Holger Schmieding, économiste chez Berenberg Bank.

Suspense sur les salaires

La BCE, dont le mandat vise une hausse des prix légèrement inférieure à 2%, jugée favorable à l'économie, parie toujours sur une "reprise relativement vigoureuse de l'inflation sous-jacente" (hors énergie et aliments) dans la période à venir, a affirmé fin septembre Mario Draghi devant le Parlement européen.

L'institution gardienne de l'euro table sur une accélération de l'inflation sous-jacente de 1,1% en 2018 à 1,8% en 2020, avec comme principaux moteurs la baisse du taux de chômage et la hausse des salaires.

Un optimisme qu'est venu tempérer l'institut économique DIW à Berlin, dans une étude publiée mercredi, selon laquelle les hausses de salaires "contribuent faiblement en terme quantitatifs" à l'inflation sous-jacente.

L'inflation sous-jacente en zone euro a même reculé de 0,1 point en septembre, à 0,9%, alors que le taux de chômage était ressorti à 8,1% en zone euro en août, son niveau le plus faible depuis novembre 2008.

Le marché, lui, se situe déjà dans l'après "QE" et attend jeudi, ou au plus tard en décembre, les indications sur la gestion du stock d'obligations publiques et privées détenues par la BCE, qui atteindra quelque 2.600 milliards d'euros fin 2018.

Sur le principe, l'institution entend renouveler "aussi longtemps que nécessaire" son portefeuille de dettes parvenant à échéance pour préserver des conditions de financement favorables dans l'économie.

afp/lk