* La Chine cherche un second souffle de croissance

* Consensus sur les réformes au niveau central

* Divergences sur le calendrier

* Les réformes pourraient être retardées si l'économie repart

par Kevin Yao

PEKIN, 22 octobre (Reuters) - Les dirigeants chinois ont demandé à des groupes de réflexion de leur présenter des propositions de réformes ambitieuses allant vers une nouvelle libéralisation de l'économie au moment où la Chine a besoin d'un nouveau moteur de croissance.

Alors que le Parti communiste chinois (PCC) a convoqué pour le 8 novembre son XVIIIe congrès qui doit entériner l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle équipe de dirigeants, la Chine devrait afficher cette année sa croissance économique la plus faible depuis 13 ans après trois décennies de croissance annuelle de 10% en moyenne dans le sillage des réformes lancées à l'aube des années 80 par Deng Xiaoping.

La création de richesse en Chine a augmenté de 7,4% en rythme annuel au troisième trimestre 2012, contre 7,6% au second, son septième trimestre de ralentissement. (voir )

Selon la Banque mondiale, la croissance chinoise pourrait ralentir à 5% par an sur la période 2026-2030, contre 8,5% sur les cinq années 2011-2015.

Or, en terme de richesse par habitant, la Chine dispose d'une marge de progression importante. Selon la Banque mondiale, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine par habitant s'est élevé à 5.500 dollars l'an dernier (4.200 euros), contre 22.400 dollars en Corée du Sud, 34.500 dollars à Hong Kong et 46.200 dollars à Singapour. La Chine doit donc dégager de nouveaux leviers de croissance.

Reuters a interrogé cinq conseillers appelés à "plancher" sur les réformes. Ils précisent que l'ordre du jour vient du Conseil d'Etat, c'est-à-dire du gouvernement, mais ne veulent pas être plus précis, disant craindre des répercussions.

Le mois prochain, le président chinois Hu Jintao doit laisser la place au vice-président Xi Jinping et Li Keqiang doit remplacer le Premier ministre Wen Jiabao.

RÉDUIRE L'INFLUENCE DE L'ETAT

La Chine va notamment devoir réfléchir à réduire l'influence de l'Etat dans l'économie et rogner les ailes des plus de 100.000 sociétés publiques qui bénéficient d'énormes privilèges, comme par exemple l'accès préférentiel au crédit bancaire et aux marchés publics.

Les conseillers sollicités devront aussi réfléchir à une libéralisation du marché du crédit. C'est actuellement le gouvernement central qui fixe aux banques publiques le volume des crédits qu'elles peuvent allouer.

En matière de changes, la convertibilité du yuan devrait être renforcée. La devise chinoise pourra ainsi être davantage utilisée dans le règlement des transactions internationales.

De même, l'articulation entre la fiscalité centrale et celle des collectivités locales va devoir être revue alors que les caisses de l'Etat sont pour l'instant destinataire de l'essentiel des recettes fiscales et que les collectivités procèdent à l'essentiel des dépenses. Or, celles-ci étaient endettées à hauteur de 10.700 milliards de yuans (1.300 milliards d'euros) à la fin 2010, selon les derniers chiffres connus.

"Je pense qu'un consensus sur les réformes s'est constitué au niveau central, même si les avis divergent sur le moment et la façon de mettre en oeuvre les réformes", commente Wang Jun, économiste au China Centre for International Economic Exchanges, un groupe de réflexion à Pékin.

LES LEÇONS DU PASSÉ

Certains soulignent que le plan de relance de 4.000 milliards de yuans engagé fin 2008 a surtout permis aux sociétés publiques de se redresser au détriment des entreprises privées.

Il s'agirait maintenant que demander aux sociétés publiques de verser plus de dividendes à l'Etat-actionnaire qui pourrait rediriger ces sommes vers les dépenses sociales.

"Nous pourrions nous retrouver face à de graves problèmes si nous ne nous procédons pas à des réformes", estime Zuo Xuejin, qui dirige l'Institut d'économie à l'Ecole des sciences sociales de Shanghai.

Mais, souligne un économiste dans un important groupe de réflexion lié au gouvernement à Pékin, les réformes risquent d'être retardées si l'économie chinoise venait à redémarrer en fin d'année comme certains signes le laissent penser.

De fait, les leçons du passé semblent aller dans le sens des craintes de l'économiste anonyme.

Deng Xiaoping a lancé l'ouverture économique à la fin des années 70 pour sauver une économie au bord de l'effondrement après le désastre de la Révolution culturelle lancée par Mao Zedong. Et quand l'économie a piqué du nez après la répression de la place Tiananmen en juin 1989, le vieux leader a engagé sa célèbre tournée du sud de la Chine en 1992 pour donner le coup d'envoi à la seconde partie des réformes.

De même, les importantes réformes concernant les marchés ont été lancées par l'ancien Premier ministre Zhu Rongji après la crise financière asiatique à la fin des années 1990.

Cette fois, à Pékin, on impute le ralentissement chinois à la crise financière mondiale et au tassement des effets bénéfiques produits par l'entrée de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce il y a dix ans.

Même décidée, la nouvelle vague de réformes n'aura pas forcément des effets immédiats.

"La partie la plus facile des réformes a été menée ces 30 dernières années. Il ne nous reste plus beaucoup de secteurs où les réformes soient susceptibles de produire des résultats rapides", commente l'économiste Zuo Xuejin à Shanghai. (Danielle Rouquié pour le service français, édité par Marc Joanny)