par Lawrence Hurley et David Ingram

WASHINGTON, 26 mars (Reuters) - La Cour suprême des Etats-Unis a entamé mardi l'examen de la conformité à la Constitution de deux textes de loi qui empêchent la reconnaissance légale des mariages entre personnes du même sexe.

Les neuf juges, qui devraient rendre leur décision fin juin sur ces deux cas, se retrouvent face à une des questions de société les plus sensibles du débat public aux Etats-Unis, ainsi que l'a rappelé la présence de manifestants des deux camps devant le bâtiment.

Mardi, les échanges portaient sur la Proposition 8, un amendement à la Constitution de l'Etat de Californie adopté en novembre 2008 qui a annulé une décision de justice et rétabli l'interdiction des mariages homosexuels, brièvement autorisés.

La plus haute juridiction du pays se penchera mercredi sur le Defense of Marriage Act (Doma), une loi approuvée au niveau fédéral qui définit depuis 1996 le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, et exclut de fait les couples homosexuels des allocations fédérales réservées aux couples mariés.

Sur les 50 Etats américains, 30 ont voté des amendements constitutionnels définissant le mariage comme l'union entre un homme et une femme.

Mais neuf Etats et le District of Columbia ont, eux, légalisé le mariage homosexuel, dont les trois derniers - le Maryland, le Maine et l'Etat de Washington - par référendum, une première.

QUESTIONS DE PROCÉDURE

"Jamais dans notre Histoire un débat majeur sur les droits civiques n'est arrivé devant la porte de la Cour suprême porté par une telle vague de soutien de l'opinion", a affirmé Theodore Boutrous, avocat des opposants à la Proposition 8.

Adopté à 52% en novembre 2008, cet amendement à la Constitution californienne qui interdit aux législateurs de reconnaître le droit au mariage des couples homosexuels a monopolisé les débats de mardi.

Une cour d'appel fédérale l'a annulé en février 2012 sur des questions de procédure mais sa décision a été suspendue le temps de son examen par la Cour suprême.

"Il n'existe aucun droit fondamental au mariage homosexuel dans la Constitution des Etats-Unis", a déclaré Austin Nimocks, un des juristes de l'équipe défendant la Proposition 8.

Au cours des premiers échanges, le président de la Cour suprême, John Roberts, a exprimé ses doutes sur la validité de la saisine par les partisans de la Proposition 8.

Compte tenu des clivages de la société sur un sujet où se croisent convictions religieuses et culturelles et affiliations politiques, les experts s'attendent à ce que la Cour suprême ne rende pas un jugement de portée fédérale, préférant laisser les Etats trancher par eux-mêmes.

Le juge Anthony Kennedy, l'un des neuf magistrats de la Cour suprême, a semblé leur donner raison en disant mardi redouter que la Cour "ne fasse un saut dans l'inconnu" sur une question qui divise les Etats.

ÉVOLUTION DE L'OPINION

A l'image de l'opinion publique, qui est désormais majoritairement favorable au droit au mariage des couples homosexuels, la classe politique a également évolué.

Bill Clinton, qui avait promulgué en 1996 le Defense of Marriage Act (Doma), à une époque où aucun Etat américain ne reconnaissait le mariage homosexuel, a dit au début du mois regretter sa décision.

Dans une tribune publiée dans le Washington Post, l'ancien président démocrate estime que les juges "doivent décider s'ils sont cohérents avec les principes d'une nation qui honore la liberté, l'égalité et la justice par dessus tout".

"En tant que président ayant promulgué cette loi, j'en suis venu à penser que le Doma est contraire à ces principes et de fait, incompatible avec notre Constitution", ajoute-t-il. (voir )

Durant l'ultime campagne présidentielle, Barack Obama avait franchi le pas, affirmant en mai dernier que "des personnes du même sexe devraient être autorisées à se marier".

Au sein du Parti républicain, le débat est en cours. Officiellement, le refus du mariage homosexuel est inscrit sur le programme que le Grand Old Party a adopté lors de sa convention de 2012, avant la dernière présidentielle.

Mais plusieurs cadres du parti ont rompu les rangs, dont le sénateur de l'Ohio Rob Portman, suivant le lointain exemple de l'ex-vice-président Dick Cheney, dont une fille a rendu publique son homosexualité.

RENVOI

Pour un ENCADRE sur la question du mariage homosexuel aux Etats-Unis, double-cliquer sur (Julien Dury et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser)