Jusqu'ici, la SEC avait demandé aux entreprises d'examiner les messages en interne dans le cadre de son enquête sur l'utilisation par Wall Street de WhatsApp, Signal et d'autres applications de messagerie non-approuvées en milieu professionnel. L'enquête initiale avait abouti à plus de 2 milliards de dollars d'amendes. Mais la décision du gendarme boursier d'examiner des milliers de messages marque une escalade de l'enquête et augmente les enjeux pour les entreprises et les cadres concernés.

Carlyle, Apollo, Blackstone, Citadel…

"Plus vous donnez d'informations à la SEC, plus vous alimentez la bête", a indiqué une source obtenue par Reuters. Apparemment, le régulateur se concentre sur certains employés et cadres. Les entreprises visées comprennent Carlyle, Apollo, KKR, TPG Inc et Blackstone, ainsi que certains fonds spéculatifs, dont Citadel.

Les dirigeants ont remis leurs téléphones personnels et d'autres appareils à leurs employeurs ou à leurs avocats pour qu'ils en fassent une copie, et des messages professionnels ont été transmis à la SEC. Cette situation contraste avec les enquêtes menées auprès des courtiers, puisque la SEC avait demandé aux entreprises d'examiner les messages du personnel et de lui indiquer combien d'entre eux portaient sur des activités professionnelles. Les informateurs de Reuters ont tous requis l'anonymat.

Au moins 16 sociétés, dont Carlyle, Apollo, KKR, TPG et Blackstone, ont révélé que la SEC enquêtait sur leurs communications. Ces sociétés n'ont pas fourni d'autres détails et n'ont pas fait de commentaires pour cette histoire. Un porte-parole de Citadel s'est refusé à tout commentaire, comme la SEC.

"Maintenant qu'elle dispose de toutes ces données, il est très possible que la SEC y trouve des manquements à la conformité qui n'ont rien à voir avec les problèmes d'enregistrement des communications hors canal", a indiqué Jaclyn Grodin, avocate au cabinet Goulston & Storrs, qui n'est pas impliquée dans l'enquête. Les frais et dépenses des fonds privés, les conflits d'intérêts et le traitement préférentiel des investisseurs sont des questions sur lesquelles la SEC se concentre de plus en plus, a-t-elle fait remarquer.

Petits messages secrets entre amis

Depuis des années, les services de conformité de Wall Street sont confrontés au problème de la surveillance des communications du personnel. Les entreprises ne surveillant pas les canaux de messagerie personnelle, leur utilisation pour discuter des affaires met les employeurs réglementés par la SEC en infraction avec l'obligation d'enregistrer toutes les communications professionnelles. La SEC a commencé à s'intéresser au problème de tenue de registres de Wall Street lorsque JPMorgan Chase a omis de fournir des documents datant d'au moins 2018 relatifs à une enquête sans rapport, selon un règlement de 2021 dans lequel la banque a accepté de payer 125 M$ à la SEC pour résoudre les accusations concernant les lacunes en matière de tenue de registres. Soupçonnant que les discussions hors canal sur les transactions, les opérations et d'autres affaires étaient monnaie courante à Wall Street, la SEC a ouvert en 2021 une enquête sur les communications d'autres courtiers, ont déclaré deux sources. La mauvaise conduite s'est avérée si répandue que l'agence n'a pas eu à beaucoup s'employer pour remonter de gros poissons.

Une recherche démarrée il y a près d'un an

La SEC a commencé à approcher les conseillers en investissement en octobre 2022, selon Reuters. Comme pour les courtiers, la SEC a d'abord cherché à obtenir des détails sur les politiques d'archivage des conseillers en investissement. Elle a ensuite identifié un groupe de dirigeants et a demandé aux entreprises de fouiller leurs appareils et de faire rapport sur ce qu'elles avaient trouvé. Mais les entreprises ont résisté, arguant du fait que leurs exigences en matière de tenue de dossiers sont moins strictes que celles des courtiers.

Dans une lettre datée de janvier et dirigée par la Managed Funds Association, le secteur a déclaré que la demande de la SEC était "invasive" et soulevait des questions relatives à la protection de la vie privée. Bloomberg a précédemment fait état de cette lettre. La SEC a par la suite exigé que les conseillers en investissement lui remettent les messages, selon les sources.

Selon Jennifer Han, vice-présidente exécutive et avocate en chef de la MFA, l'agence ne tient pas compte des différences importantes qui existent entre les exigences des conseillers en investissement en matière de tenue de registres. "L'extension unilatérale des règles par des mesures d'exécution contourne la procédure régulière et crée un dangereux précédent", a-t-elle déclaré dans un communiqué.