Paris (awp/afp) - L'Insee publiera mardi sa première estimation de la croissance française au premier trimestre, qui devrait témoigner de la relative capacité de résistance de l'économie tricolore, dans un contexte de ralentissement au sein de la zone euro.

Consommation, investissements, exportations... "Au vu des derniers indicateurs disponibles, on s'oriente vers un chiffre solide, sans être exceptionnel", estime auprès de l'AFP Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas.

Un avis partagé par Alexandre Mirlicourtois, directeur des études chez Xerfi. "La tendance globale n'est pas très dynamique. Mais comparé aux autres pays européens, on devrait limiter la casse", souligne le chercheur.

Dans sa dernière note de conjoncture publiée le 19 mars, l'Insee pariait sur une croissance économique de 0,4% sur l'ensemble du premier trimestre, en légère progression par rapport au chiffre atteint au dernier trimestre 2018 (+0,3%).

Cette hypothèse est un peu plus optimiste que celle de la Banque de France, qui a ramené mi-mars sa prévision de croissance de 0,4% à 0,3%, pour tenir compte du ralentissement de l'activité au niveau international et européen.

Cette révision est "limitée" parce que "l'économie française résiste mieux" à la perte de vitesse de l'économie mondiale, avait insisté à l'époque le gouverneur de la banque centrale française, François Villeroy de Galhau.

En cause : la moindre exposition de l'économie française -- moins tournée vers les exportations -- aux turbulences du commerce mondial, mais aussi les mesures d'urgence annoncées fin décembre sous la pression des "gilets jaunes".

Revalorisation du Smic, défiscalisation des heures supplémentaires ou des primes exceptionnelles versées aux salariés : ces annonces, chiffrées au total à 12 milliards d'euros, ont "stimulé le pouvoir d'achat" et devraient doper "la consommation", rappelle Hélène Baudchon.

Selon l'Insee, la consommation devrait ainsi avoir progressé de 0,5% entre janvier et mars, après une stagnation fin 2018. Une bonne nouvelle pour l'économie tricolore, qui devrait aussi bénéficier d'un investissement dynamique des entreprises (+0,7%), de nature à compenser le ralentissement des exportations.

Cela devrait permettre à l'économie hexagonale de "tirer au moins ponctuellement son épingle du jeu", a souligné l'organisme public.

"mieux, mais par défaut"

Pour Alexandre Mirlicourtois, l'économie française n'est cependant pas à l'abri de mauvaises surprises. "Les mesures +gilets jaunes+ ont dopé le pouvoir d'achat, mais il n'est pas dit que la consommation soit aussi forte qu'espéré", juge l'économiste, qui s'inquiète de la forte hausse de l'épargne.

Même chose sur l'investissement des entreprises, qui pourrait être "décevant". "Il y a beaucoup d'attentisme en raison du contexte économique mondial. Ça risque de se répercuter sur l'activité", souligne M. Mirlicourtois.

Ces dernières semaines, plusieurs signaux contradictoires sont ainsi venus jeter le doute sur l'état de santé réel de l'économie tricolore. Le climat des affaires, mesuré par l'Insee, a connu une évolution positive, quand l'indice PMI, publié par IHS Markit, a fait état d'une contraction de l'activité du secteur privé.

Pas de quoi néanmoins s'inquiéter outre mesure, selon le gouvernement, qui juge "solide" l'état de l'activité en France. "La croissance française reste très forte", a assuré le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, pour qui Paris fera cette année "mieux que quasiment tous les pays européens".

Dans son programme de stabilité budgétaire, qui sera débattu mardi par l'Assemblée nationale, le gouvernement a prévu une croissance de 1,4% pour 2019, en repli de 0,3 point par rapport au scénario élaboré dans sa loi de finances initiale.

Cet objectif, supérieur au chiffre attendu au sein de la zone euro (1,1% selon la Banque centrale européenne), est conforme à l'hypothèse de la Banque de France, mais légèrement plus optimiste que ce que prévoient l'OCDE et le FMI (1,3%).

"Le chiffre du premier trimestre sera déterminant" pour évaluer la tournure que prend l'année 2019, rappelle Alexandre Mirlicourtois. Qui s'attend certes à ce que la France face "mieux que ses voisins, mais par défaut", en raison des piètres résultats de ceux-ci, à commencer par l'Allemagne.

afp/rp