par Maayan Lubell et Michael Georgy

JERUSALEM, 8 octobre (Reuters) - Les options du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour frapper le Hamas en réponse à son incursion sanglante samedi en Israël pourraient être limitées par l'inquiétude à l'égard des nombreux Israéliens pris en otages par le groupe palestinien, un rappel de crises similaires vécues par le pays.

Escalade dramatique des violences entre Israéliens et Palestiniens, le Hamas a lancé samedi depuis Gaza une incursion en territoire israélien, se déployant dans plusieurs villes où ses combattants ont tué plus de 600 personnes, selon le dernier bilan des autorités israéliennes dimanche midi, et enlevé plusieurs dizaines d'autres.

Il s'agit du jour le plus meurtrier pour Israël depuis la guerre de 1973, quand Syrie et Egypte avaient lancé un assaut surprise contre l'Etat hébreu.

Si Benjamin Netanyahu a promis une "vengeance terrible" en réponse à l'incursion du Hamas, le sort des soldats, femmes, enfants et personnes âgées enlevés en Israël et transportés vers Gaza, dont le nombre reste pour l'heure flou, complique le scénario voulu d'une réponse puissante et rapide tout en respectant la coutume du pays de n'abandonner personne.

En 2011, Israël avait échangé des centaines de prisonniers palestiniens contre Gilad Shalit, un soldat israélien qui était détenu depuis cinq ans - un échange critiqué par certains Israéliens le jugeant inéquitable. Une négociation similaire paraît impossible, des dizaines de personnes étant présumées otages du Hamas pour l'heure.

Israël a mené des frappes aériennes contre Gaza, tuant plus de 300 palestiniens, dans une réponse qui lui est habituelle pour punir immédiatement toute escalade. Par ailleurs, des milliers de soldats ont été déployés à la frontière avec l'enclave palestinienne.

La suite reste compliquée à déterminer.

"POLICE D'ASSURANCE"

"La cruelle réalité est que le Hamas a pris des otages en guise de police d'assurance contre des mesures de représailles israéliennes, particulièrement une attaque au sol massive, et pour des échanges avec des prisonniers palestiniens", a commenté Aaron David Miller, membre du centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, basé à Washington.

"Cela va-t-il restreindre la réponse d'Israël ? Si le nombre (d'otages) est important, comment cela pourrait-il ne pas être le cas ?", a-t-il ajouté.

Le ministère israélien des Affaires étrangères a déclaré qu'Israël allait agir pour libérer les otages, détruire l'"infrastructure terroriste" du Hamas et s'assurer qu'aucun groupe terroriste de Gaza ne puisse à nouveau nuire à des citoyens israéliens.

Il n'y a cependant aucune décision facile. Tenter de sauver toutes les personnes que le Hamas dit avoir en otages en différents lieux pourrait compromettre la vie de ces personnes. Des négociations avec le Hamas pour un échange de prisonniers seraient vues comme un grand succès pour l'ennemi juré d'Israël.

A la tête de l'un des gouvernements les plus nationalistes de l'histoire de l'Etat hébreu, Benjamin Netanyahu a invité les chefs de file de l'opposition à rejoindre un gouvernement d'union, avec pour objectif de rassembler les soutiens derrière toute réponse à la crise.

La situation rappelle un souvenir douloureux pour le Premier ministre israélien, dont le frère aîné a été tué en 1976 lors d'une opération menée pour sauver des Israéliens et d'autres otages détenus par des assaillants palestiniens et allemands à l'aéroport d'Entebbe, en Ouganda.

Plus tôt dans les années 1970, des membres de l'équipe olympique israélienne avaient été pris en otage au village des athlètes de Munich par un groupe d'hommes armés palestiniens.

Une intervention pour les libérer avait donné lieu à un fusillade sanglante, tuant onze Israéliens, cinq Palestiniens et un policier allemand.

Israël a alors organisé une opération clandestine présumée, qui a duré plusieurs années, pour assassiner les hommes jugés responsables d'avoir orchestré l'attaque lors des Jeux olympiques de Munich de 1972. Plusieurs Palestiniens ont été tués en différents lieux en Europe et au Moyen-Orient.

DÉFI

L'ampleur du défi est bien différente, à Gaza.

Au cours de sa longue carrière politique, Benjamin Netanyahu a montré peu d'appétence pour des opérations militaires au sol, et Gaza est un endroit compliqué pour mener une guerre. Plus de deux millions de personnes sont entassées dans cette petite bande de terre contrôlée par le Hamas depuis 2007.

Ariel Sharon, qui était au pouvoir lorsque Israël a pris la décision de se retirer de Gaza en 2005, avait décrit ce choix comme douloureux mais nécessaire, estimant que contrôler une zone si densément peuplée était trop difficile.

Benjamin Netanyahu pourrait opter pour une stratégie plus habituelle, en assassinant des chefs du Hamas avec des frappes aériennes et des bombes, comme ce fut le cas pour Cheikh Ahmad Yassine, le chef spirituel du Hamas, tué dans une frappe de missile d'hélicoptère en 2004. De telles frappes n'ont toutefois pas déraciné le Hamas.

Mohanad Hage Ali, membre du Carnegie Middle East Center, a déclaré que les négociations semblaient la voie la plus évidente.

"Peu importe la souffrance qui sera infligée aux Palestiniens - en faisant exploser des bâtiments ou en assassinant leurs chefs à Gaza -, cela n'enlèvera pas ce que le Hamas a infligé à Israël", a-t-il déclaré.

(Reportage Maayan Lubell à Jerusalem, Nidal al-Mughrabi à Gaza, Michael Georgy à Dubai; version française Jean Terzian)