Rio de Janeiro (awp/afp) - Le Brésil a renoué avec une inflation à deux chiffres pour la première fois depuis 2016 en septembre, mois qui a connu la pire poussée des prix en 27 ans, une mauvaise nouvelle pour les plus pauvres mais aussi pour le gouvernement Bolsonaro.

L'inflation dans la première économie d'Amérique latine a atteint 10,25% en septembre sur les 12 derniers mois, a annoncé vendredi l'Institut des statistiques IBGE, un passage de seuil symbolique qui était attendu par les analystes.

L'inflation n'avait pas été à deux chiffres au Brésil depuis février 2016, lorsqu'elle s'était élevée à 10,36%, sous un gouvernement de gauche, celui de la présidente Dilma Rousseff, qui avait succédé à Lula.

Cette envolée a été enregistrée après un mois de septembre où la hausse des prix a atteint 1,16%, son taux le plus élevé depuis 1994. Elle est largement imputable à la sècheresse que traverse le Brésil, la pire en 91 ans, qui renchérit l'énergie.

"La crise hydrique, le manque de pluie, a contribué à la hausse des prix alimentaires", a déclaré à l'AFP André Braz, économiste à la Fondation Getulio Vargas, "et le premier facteur extérieur a été la hausse des cours du pétrole".

Depuis le début de l'année, les prix ont augmenté de 6,90% au Brésil, selon l'IBGE, soit largement au-dessus de l'objectif officiel de Brasilia.

Les pressions inflationnistes ont motivé cinq hausses consécutives de son taux directeur par la banque centrale, désormais à 6,25%, alors qu'il était à son plancher historique de 2% en début d'année.

Une nouvelle hausse est attendue à la fin du mois pour ce taux, le principal outil de lutte contre l'inflation.

L'envolée des prix pousse aussi des millions de Brésiliens dans une situation de plus en plus précaire. En dehors des prix alimentaires et de l'énergie, ceux des transports notamment ont subi de fortes hausses.

La consommation de viande est ainsi devenue un luxe pour beaucoup de Brésiliens. Selon un rapport de l'association PENSSAN, 117 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, vivent en situation d'"insécurité alimentaire", n'ayant pas "pleinement accès aux aliments de façon permanente".

Des photos de Brésiliens démunis ramassant des os dans la benne d'un camion à Rio fin septembre avaient frappé les esprits.

Chute de popularité du président

A un an de la présidentielle, l'inflation galopante est, avec le chômage qui touche 14,1 millions de Brésiliens, un casse-tête économique pour le président Jair Bolsonaro, dont la popularité a chuté à son plus bas niveau, avec seulement 22% d'opinions favorables.

"Les deux chiffres (de l'inflation) sont un symbole et une alarme", a écrit l'éditorialiste du quotidien O Globo, Miriam Leitao. "Cela aggrave la pauvreté et fait chuter la popularité des présidents qui dirigent l'économie".

La hausse des prix au-dessus de la barre des 10% avait été "corrosive" pour la popularité de Dilma Rousseff, rappelle l'éditorialiste, et Bolsonaro "voit la sienne tomber au fur et à mesure que progresse l'inflation".

La poussée des prix est aussi favorisée par l'érosion continue du réal, la devise brésilienne, qui ne cesse de baisser par rapport au dollar, ce qui renchérit les produits importés, l'essence notamment.

L'inflation sur les 12 mois derniers mois en août s'était élevée à 9,68%. C'était le pire résultat pour un mois d'août depuis 2000, attribuable à la hausse des prix du carburant et de l'électricité.

L'inflation dépasse largement l'objectif officiel pour cette année d'un taux médian de 3,75% avec un plafond de 5,25%. Le marché prévoit généralement à la fin de l'année un taux d'inflation de 8,51%.

Mais le président de la Banque centrale, Roberto Campos Neto, a récemment estimé que "le mois de septembre devrait connaître le pic de l'inflation sur 12 mois" avant "une baisse" des prix.

Les analystes considèrent aussi que l'inflation devrait revenir sous contrôle en 2022, grâce à une meilleure tenue des prix de l'énergie notamment.

afp/rp