LONDRES, 3 décembre (Reuters) - Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a exhorté lundi la Turquie à soutenir des plans de défense préparés par l'Otan pour les Etats baltes et la Pologne, alors qu'Ankara demande à l'Alliance de soutenir l'offensive turque menée contre les combattants kurdes dans le nord de la Syrie.

S'exprimant dans un entretien à Reuters avant le sommet de l'Otan, qui s'ouvre mardi à Londres, le chef du Pentagone a prévenu la Turquie qu'il ne soutiendrait pas la désignation sous le terme d'organisation terroriste des Unités de protection du peuple (YPG), la milice kurde qui a aidé Washington à combattre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie.

Mark Esper a appelé Ankara à se focaliser sur les défis plus importants auxquels fait face l'Otan.

"Le message à la Turquie (...) est que nous devons avancer sur ces plans de défense et que cela ne peut pas être retardé par ses propres préoccupations", a-t-il dit à bord de l'avion qui l'emmenait dans la capitale britannique.

"L'unité de l'Alliance, la promptitude de l'Alliance, font que nous devons nous concentrer sur des préoccupations plus grandes (...) Et pas tout le monde ne voit pas les menaces qu'ils voient", a-t-il ajouté.

Sans l'approbation des Turcs, l'Otan aura plus de difficultés à mettre en place ses plans militaires de défense conçus pour la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie dans l'éventualité d'une agression russe à la suite de la crise ukrainienne et de l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

La Turquie, qui impute l'impasse actuelle aux Etats-Unis, souhaite que l'Otan désigne sous le terme d'organisation terroriste les YPG, comme l'a rapporté Reuters la semaine dernière.

Ce contentieux est un signe des divisions entre Ankara et Washington sur l'offensive que l'armée turque a lancée le 9 octobre dernier dans le nord-est de la Syrie. Il est aussi un élément de plus dans les difficultés que les Alliés éprouvent pour s'entendre sur des sujets pourtant cruciaux. Le président français Emmanuel Macron a accusé Ankara d'avoir mis ses alliés devant le "fait accompli" lors de son offensive contre les milices kurdes dans le nord-est de la Syrie, provoquant une critique violente de la part de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Le traité de l'Atlantique-Nord prévoit qu'une agression contre l'un des Etats membres de l'Otan est une agression contre l'ensemble des Alliés, d'où la nécessité pour l'Alliance de se doter de plans d'intervention pour mettre en oeuvre cet instrument de sécurité collective. (Phil Stewart, avec Robin Emmott à Bruxelles; version française Jean Terzian)