Londres (awp/afp) - Des prêts immobiliers retirés du marché à la hâte, des taux qui s'envolent et des actions en berne à la Bourse de Londres: le marché immobilier britannique est secoué par les turbulences financières déclenchées par le coûteux plan budgétaire de Downing Street.

Depuis vendredi et l'annonce par le gouvernement de la conservatrice Liz Truss de mesures de soutien à l'énergie et de baisses d'impôts massives au financement flou, 40% des produits qui étaient proposés par les institutions de prêts immobiliers ont été retirés -un peu plus de 1600-, selon le site de données financières Moneyfacts.

Le mécanisme qui permet de fixer les taux immobiliers a été perturbé par "l'énorme chute de la livre, une anticipation croissante de hausses de taux" à venir de la Banque d'Angleterre, mais aussi la "baisse de confiance des investisseurs", résume pour l'AFP Sarah Coles, analyste chez Hargreaves Lansdown.

Les craintes des investisseurs ont notamment fait chuter la livre à son plus bas historique lundi et fait s'envoler les taux de la dette britannique, avant que les marchés ne se reprennent un peu à la suite d'une intervention de la banque d'Angleterre mercredi, via des achats de bons du Trésor britannique à long terme.

"Les prêteurs ont retiré certains produits pour les nouveaux clients en attendant que la poussière retombe. Une fois que les choses fonctionneront de nouveau mieux, ils seront réintroduits, mais à des taux plus élevés", ajoute Mme Cole.

Mauvaise nouvelle pour les candidats à l'achat car les taux immobiliers flambent déjà depuis plusieurs mois. Après avoir tourné autour de 2% ces dernières années, ils frôlent désormais les 5% sur les taux fixés pour seulement 2 à 5 ans - selon les données de Moneyfacts.

Pour les banques, il s'agit de revoir leur gamme de prix, mais aussi de gérer l'afflux de clients pressés de signer un prêt aux taux actuels: "nous avons retiré un petit nombre de produits hypothécaires" pour "garantir que nous sommes en mesure de gérer le flux de demandes", rapporte à l'AFP Barclays, l'un des principaux prêteurs du pays.

"Pilule amère"

L'augmentation des taux "couve depuis un certain temps, alors que l'inflation augmentait et que les banques centrales commençaient à relever leurs taux directeurs", explique à l'AFP Richard Donnell, directeur exécutif du site de petites annonces immobilières Zoopla. Les annonces budgétaires de la semaine dernière ont ajouté des inquiétudes supplémentaires".

Le banque centrale britannique a augmenté son taux directeur régulièrement depuis fin 2021 pour contrer l'inflation, qui frôle 10% outre-Manche: il est actuellement fixé à 2,25% et le marché s'attend à ce que l'institut monétaire poursuive ses hausses avec d'autant plus de vigueur que la livre est affaiblie et que le risque inflationniste s'est accru avec le paquet budgétaire.

Dans un pays où l'immense majorité des prêts hypothécaires sont fixés pour cinq ans ou moins, de nombreux Britanniques ayant un prêt en cours sont forcés de signer un nouveau contrat aux conditions du marché et voient leur mensualité bondir, au risque de ne plus pouvoir suivre.

"C'est est une pilule amère à avaler pour ceux qui veulent déménager et ceux dont les termes fixes arrivent à échéance et cela aura un impact sur les budgets des acheteurs", estime Tim Bannister expert du marché immobilier pour le site d'annonces Rightmove.

Certains analystes envisagent déjà une baisse des prix de l'immobilier, mais le marché, "particulièrement résistant" aux chocs qui se sont enchaînés depuis plusieurs mois, reste dynamique selon M. Bannister.

Si "le nombre d'acheteurs potentiels demandant à visiter des propriétés (...) a diminué de 3%" en début de semaine, "la demande est toujours nettement supérieure à l'offre".

Le marché britannique, qui a flambé avec la pandémie, a encore du répondant: la demande des acheteurs est toujours supérieure de 20% à ce qu'elle était avant le Covid-19, les prix sont plus élevés de 15% et le volume de propriétés vendues en hausse de 40%, selon les données de Rightmove.

D'autant que le gouvernement prévoit une baisse de la taxe sur les transactions immobilières.

Pas de quoi rassurer les investisseurs pour autant: les valeurs immobilières comptaient parmi les plus forts reculs à la Bourse de Londres jeudi.

afp/jh