Cette négligence commune des investisseurs a été mise en lumière par la pénurie de puces qui a touché, en 2021, de nombreuses industries, telles que celles des smartphones, des PC, des consoles, de l'automobile, ou encore les mineurs de crypto-monnaies. Cette pénurie a aussi mis sur le devant de la scène des entreprises prospères, qui se sont paradoxalement retrouvées en difficulté, faute de pouvoir assurer leurs objectifs de production ou répondre à la demande. 

On peut citer AMD, que la trop forte dépendance vis-à-vis de son fournisseur taïwanais TSMC, submergé de commandes, a affaibli, ou encore les constructeurs automobiles (General Motors, Ford, Renault), qui ont dû réduire temporairement leur production et ainsi fait face à d'énormes manques à gagner en termes de vente.  

La pénurie, provoquée par les conséquences du Covid et des tendances plus long terme comme l'explosion des besoins en semi-conducteurs, a été accentuée par plusieurs phénomènes : 

  • Le sur-stockage : certaines entreprises, comme Huawei, ont gonflé leurs stocks de puces pour s'assurer une continuité de production et faire face à d'éventuelles restrictions commerciales. La Chine elle-même a importé 380 milliards de dollars de puces en 2020, ce qui représente près d'un cinquième de ses importations cette année-là. 
  • L'arbitrage : face à un goulot d'étranglement ou à une surabondance de demande, certaines fonderies ont favorisé les produits les plus rentables. TSMC a ainsi privilégié la production de puces de smartphones au détriment des semi-conducteurs bas de gamme dédiés au secteur automobile, et ainsi aggravé la crise des constructeurs. 
  • La concentration des industries : en 2021, avant les efforts de nationalisation des industries essentielles, la production de semi-conducteurs était largement concentrée en Asie, et entre les mains de quelques fondeurs (TSMC et Samsung), amplifiant les phénomènes de dépendance . 
  • Les restrictions commerciales : comme vu ci-dessus avec Huawei, en cas de pénurie, certains gouvernements ont mis en place des restrictions sur l'export de certains produits clefs, exacerbant de ce fait la rareté. On a pu observer cette tendance avec le blé argentin par exemple, au début de la guerre en Ukraine. 

Il est donc essentiel, lors de l'évaluation d'une société, d'étudier la solidité des chaînes d'approvisionnement, la dépendance des entreprises envers leurs fournisseurs et, symétriquement, envers leurs clients. Et de privilégier les groupes qui démontrent une meilleure diversification des sources et des débouchés (clients, secteurs, zones géographiques), s'assurant ainsi une relative résilience en période de crise. 

Notre expert Xavier Delmas, qui a dédié une vidéo au risque fournisseur en 2021, anticipe plusieurs crises de l'approvisionnement dans les années à venir dans certains secteurs clefs, tels que les terres rares, les métaux essentiels ou encore l'hydrogène. Pour en savoir plus, visionnez cette vidéo