TOULOUSE, 6 juillet (Reuters) - La première entreprise par actions avec toutes ses caractéristiques, dont un conseil d'administration et le versement de dividendes, est née à Toulouse au XIVe siècle, selon les travaux de recherche d'un professeur d'université.

Sébastien Pouget, professeur de finance à l'Institut d'administration des entreprises (IAE) de l'université Toulouse, travaille depuis dix ans sur la thèse de l'historien du droit Germain Sicard, soutenue en 1952, qui a mis en évidence qu'au c÷ur du Moyen Age, en 1372, était née sur les bords de la Garonne la première société par actions, les Moulins du Bazacle.

"Elle avait toutes les caractéristiques des futures sociétés anonymes par actions : des propriétaires non meuniers dont la responsabilité n'était pas engagée au-delà de leur capital initial et qui pouvaient revendre leurs parts comme ils le souhaitaient, un conseil d'administration nommant les dirigeants des Moulins et signant les grands contrats ou encore le versement de dividendes", a déclaré à Reuters Sébastien Pouget.

Ces travaux contredisent l'idée selon laquelle la première entreprise par actions était la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales, créée au début du XVIIe siècle.

C'est bien à Toulouse que l'un des principaux instruments du capitalisme aurait vu le jour dans un contexte favorable.

"Depuis le XIIe siècle, la ville est sous la coupe des Capitouls, des marchands qui favorisent l'activité économique par une législation propre et une fiscalité avantageuse, souligne le chercheur, qui est également membre du Centre de Recherche en Management et de l'Ecole d'Economie de Toulouse.

"Le droit coutumier rendait possible des structures juridiques qui permettaient la propriété collective d'un bien. Elle va être utilisée pour gérer les moulins dès le XIIe siècle. Elle va ensuite évoluer en fonction des besoins, aboutissant à la création en 1372 de la véritable première société par actions", ajoute-t-il.

La charte de la fondation des Moulins du Bazacle est encore visible aux Archives départementales de la Haute-Garonne.

La thèse de Germain Sicard va être rééditée en anglais aux presses de l'Université de Yale le 14 juillet.

Sébastien Pouget a étudié les comptes des Moulins sur six siècles, du Moyen Age jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les Moulins ont survécu à des guerres, des inondations, des épidémies, des révolutions, en ne cessant que rarement de verser ses profits sous forme de dividendes.

A partir de 1888, l'entreprise arrête de moudre du blé et se met à la production d'hydroélectricité. La société est nationalisée en 1946 et son usine fonctionne toujours au sein du géant de l'électricité EDF. (Julie Rimbert, édité par Yves Clarisse)