Londres (awp/afp) - Les investisseurs ont accru leurs prises de risques dans un contexte de taux bas et avec des perspectives économiques meilleures en 2021, ce qui les rend vulnérables à une possible "correction brusque", a prévenu vendredi la Banque d'Angleterre.

"Sur de nombreux marchés, la valeur des actifs semble élevée par rapport à leur niveau historique", souligne la BoE dans son rapport trimestriel sur la stabilité financière, et "pourrait baisser brutalement si, par exemple, les investisseurs revoyaient leurs prévisions de croissance, d'inflation et de taux d'intérêt".

La BoE prévient ainsi qu'il y a "des signes de relâchement des normes de prêts, de risques accrus chez certaines banques d'investissement". Ce qui "pourrait affecter la stabilité financière britannique, directement à travers les banques et indirectement avec des pertes qui se répercuteraient sur d'autres parties de l'économie".

Les cryptomonnaies, que la Banque qualifie de "cryptoactifs", "ont continué leur rapide croissance, mais représentent un risque limité pour la stabilité financière britannique", commente l'institution, appelant au "développement d'une régulation rapide".

Le rapport souligne également l'endettement accru des PME britanniques qui ont eu recours à ces programmes d'aide gouvernementaux pour faire face à la pandémie, alors que "nombre d'entre elles n'avaient jamais emprunté auparavant et que certaines n'auraient pas atteint les critères de qualification pour un emprunt".

"Avec la reprise économique et la fin des supports gouvernementaux, les faillites d'entreprises devraient augmenter (et quitter) leur niveau actuellement historiquement bas", prévient l'institut.

En revanche, la BoE estime que la hausse des prix de l'immobilier n'a pas conduit à un relâchement des normes des prêts dans ce secteur, ou à une hausse des foyers fortement endettés.

Choix cornélien

"La Banque a raison de souligner" les risques qui planent sur le marché, "même si elle est moins prête à souligner le rôle que ses politiques, de taux d'intérêts au plancher et de rachats d'actifs, ont joué dans la situation actuelle", remarque Russ Mould, analyste chez AJ Bell, auprès de l'AFP.

"Les Banques centrales ont désormais le choix, entre laisser l'inflation s'installer à des niveaux élevés, ou remonter les taux", résume-t-il.

Le paysage britannique s'assombrit: alors que la Banque d'Angleterre estimait déjà que l'inflation allait dépasser 4% avant la fin de l'année, la flambée des cours du gaz, dont le Royaume-Uni est très dépendant, devrait faire perdurer la hausse des prix.

Le nouveau chef économiste de la BoE, Huw Pill, a estimé que cette inflation au-dessus de 4% pourrait perdurer jusqu'au deuxième trimestre 2022, dans des réponses partagées avec le Parlement britannique jeudi.

Face au pessimisme de la Banque, les investisseurs du marché obligataire s'attendent à un durcissement de la politique monétaire dans les prochaines réunions du Comité et tablent sur une première hausse du taux directeur de la BoE en février 2022 ou avant.

L'institut monétaire britannique n'est pas le seul à s'inquiéter d'une survalorisation des actifs au regard du contexte économique mondial.

Christophe Donay, chef stratégiste et responsable de l'allocation d'actifs et de la recherche macroéconomique pour Pictet Wealth Management, soulignait il y a quelques semaines qu'on observe "une décélération du rythme de la reprise économique. Elle est déjà avancée en Chine, en cours aux Etats-Unis et arrive prochainement en Europe".

"Si on se fait peur avec l'inflation, la politique monétaire et le changement de cycle économique et des profits, le marché peut connaître quelques secousses", avait-il ajouté, évoquant une correction du marché "de l'ordre de 10 à 12%".

afp/rp