Mais si cette crise n’était pas un simple orage passager ? Si la tempête s’installait, comme en 2008 ou en 2020, forçant les investisseurs à naviguer sans visibilité pendant des mois ? Que faire alors ? Vendre tout et s’en remettre à son matelas ? Trop tard. Acheter à la baisse ? Trop risqué. Attendre en croisant les doigts ? Trop naïf.

Ce dossier n’a pas vocation à prédire l’avenir — personne ne le peut. Il vise plutôt à fournir une boussole, un manuel de survie pour traverser des marchés en chute libre sans perdre son sang-froid, ni son patrimoine. Certains actifs résistent mieux que d’autres. Certaines stratégies permettent de limiter la casse, voire d’en tirer parti. L’objectif ici n’est pas de fuir la tempête, mais d’apprendre à y tenir bon. Il vient en complément de ce papier publié précédemment à l'attention des abonnés de Zonebourse : Comment réallouer son portefeuille suite aux droits de douane de Trump ?

Le principe que nous mettons en œuvre dans les portefeuilles Zonebourse

Chez Zonebourse, nous restons positionnés sur les marchés actions parce que nous sommes des investisseurs de long terme. Cela n'empêche pas d'orienter les portefeuilles vers des positions plus défensives et moins exposées aux causes et aux conséquences des crises. Voilà pour le principe. Nous vous proposons en parallèle quelques exemples de diversification, et quelques pièges à éviter.

Les actions défensives / qualitatives : pour limiter la casse en restant exposé aux marchés actions

Toutes les actions ne sombrent pas dans la tempête. Certaines tiennent bon, voire progressent. Ce sont les valeurs dites "défensives" : elles produisent des biens ou services dont on ne peut pas se passer, même en crise. On pense aux secteurs de la santé, de l’alimentation, des services aux collectivités, pour citer les plus classiques.

Une entreprise comme Nestlé continuera à vendre ses cafés et ses soupes, même si les marchés s’écroulent. Sanofi distribuera ses traitements, quelles que soient les nouvelles venues de Wall Street. Ces entreprises présentent souvent des bilans solides, une rentabilité stable et des dividendes réguliers. Bien sûr, elles ne sont pas à l’abri d’une baisse. Mais elles baissent moins, et récupèrent plus vite.

Zonebourse propose plusieurs listes thématiques de sociétés qui peuvent s'adapter à l'environnement actuel :

  • Liste valeurs de qualité : cette liste vise à capter les rendements excédentaires des actions de qualité. Sont retenues les sociétés de taille et de liquidité suffisantes et remplissant des critères qualitatifs relevant de leur santé financière, de la stabilité du business model et du rendement des capitaux.
  • Liste actions à faible volatilité : cette stratégie consiste à battre les marchés dans les phases de contraction (baissières) et monter en ligne avec le marché dans les phases d'expansion (haussières). Cela peut sembler contre-intuitif pour de nombreux investisseurs, mais les actions moins volatiles que leurs homologues ont historiquement produit des rendements comparables ou supérieurs.
  • Liste qualité à prix raisonnable (GARP) : sont retenues les sociétés de taille et de liquidité suffisantes et remplissant des critères qualitatifs relevant de leur santé financière, de la stabilité du business model et du rendement des capitaux. Ensuite, un filtre de valorisation est appliqué afin de ne retenir que les sociétés se valorisant à un prix raisonnable. 
  • Dividend Aristocrats : cette liste vise à identifier les entreprises qui ont augmenté le versement de leurs dividendes à leurs actionnaires chaque année depuis au moins 25 ans.
  • Dividend Kings : cette liste vise à identifier les entreprises qui ont augmenté le versement de leurs dividendes à leurs actionnaires chaque année depuis au moins 50 ans.

L’or : la solution traditionnelle

Quand tout tangue, l’or brille. En tout cas, le métal précieux adopte rarement les mêmes pentes que les actifs à risque. Depuis des siècles, ce métal inerte a une étonnante capacité à rassurer les esprits agités. Il ne verse pas de dividende, il ne produit rien, il ne dépend d’aucun Etat ni d’aucune banque centrale. Justement : c’est cette indépendance qui fait sa force. En période de guerre, de crise bancaire ou de tensions inflationnistes, l’or redevient ce qu’il a toujours été : une valeur refuge.

L’accès à ce métal se fait aujourd’hui de plusieurs façons. Les puristes opteront pour l’or physique : pièces, lingots, ou barres stockées physiquement (dans le faux-plafond de la salle de bains ou dans le coffre d'une banque ou d'un dépositaire). Il existe aussi des ETF adossés à de l'or physique, qui présente l'avantage d'être accessibles avec des frais inférieurs à ceux d'un dépôt physique, mais l'inconvénient de ne pas faire du porteur de part un détenteur direct du métal. Retrouvez ici tous les avantages et les inconvénients de l'investissement en or.

Attention toutefois : l’or n’est pas une assurance tous risques. A court terme, il peut baisser, surtout quand les taux montent.

Comportement de l'or entre le point haut et le point bas de la crise de 2007/2008

Comportement de l'or entre le point haut et le point bas de la crise de 2007/2008

Le cash : l’arme de patience massive

Dans un monde obsédé par le rendement, le cash semble être le parent pauvre de l’investissement. Et pourtant, il prend tout son sens quand les marchés chutent et que les repères volent en éclats. Être liquide, c’est ne pas être pris au piège d’un actif en baisse. C’est aussi se donner la possibilité d’acheter à bon compte, quand d’autres vendent dans la panique.

Être surexposé au cash ne signifie pas nécessairement posséder un stock de billets sous son matelas. Il existe des supports relativement sûrs pour compenser la morsure de l'inflation : comptes sur livret, comptes à terme, fonds monétaires sécurisés. Certes, le rendement est modeste, mais c'est un moyen d'être moins stressé et de disposer d'un trésor de guerre pour tirer parti du beau temps qui finit par arriver après la pluie.

Les obligations de qualité : un compromis souvent efficace

Certaines obligations agissent comme un parapluie bien ouvert. Pas toutes : celles des entreprises surendettées ou des pays fragiles peuvent s’effondrer. Mais les obligations souveraines de qualité – celles des Etats solides – ou les titres corporate notés "investment grade", résistent souvent mieux aux secousses.

Elles offrent un rendement régulier, parfois modeste, mais stable. Et lorsque la peur domine, les investisseurs se réfugient dans ces titres, ce qui peut même faire grimper leur prix. La clef ? Choisir des durées adaptées (plus la durée est longue, plus le risque de taux est élevé), et éviter les obligations trop sensibles à une remontée brutale des taux (Lire aussi : Comprendre les obligations et le marché obligataire). Elles ne protègent pas contre tout, mais elles permettent de lisser les performances globales d’un portefeuille, notamment quand les actions s’enfoncent.

Illustration avec le plus gros ETF obligataire américain, toujours face au MSCI World, et toujours lors de la crise des subprimes :

Illustration avec le plus gros ETF obligataire américain, toujours face au MSCI World, et toujours lors de la crise des subprimes :

Il y a divers moyens de se positionner sur des obligations. Parmi eux, les ETF permettent de déléguer à une équipe de gestion le suivi et la sélection des titres. Il est même possible d'investir directement sur le marché secondaire sur certaines obligations d'Etat (par exemple les OAT françaises, à condition bien sûr d'avoir confiance dans la signature hexagonale !).

On vous explique ici comment bien choisir ses ETF obligataires :

La diversification géographique et monétaire : ne pas mettre tous ses œufs dans le même continent

La tempête boursière ne frappe pas toujours avec la même intensité partout. Certaines régions, certaines monnaies peuvent offrir un abri relatif. Investir uniquement dans son pays, ou dans une seule devise, c’est s’exposer à un choc local sans filet.

La diversification géographique permet de répartir les risques. Toutefois, en cas de crise mondiale, il peut être très compliqué de miser sur le bon cheval. Les ETF peuvent répondre à cette problématique, mais ils peuvent aussi porter une part de risque insoupçonnée. Un ETF exposé au marché américain acheté en euros, par exemple, peut voir sa valeur s'éloigner fortement de l'indice qu'il suit, pour le meilleur ou pour le pire.

Des opportunités d'arbitrage peuvent toutefois émerger. Le 7 avril, la banque britannique Barclays a par exemple conseillé aux investisseurs européens d'accroître leur exposition au marché londonien en cas de poursuite de la crise liée aux droits de douane, parce que le FTSE 100 a quelques vertis défensives et que le pays ne subit que 10% de surtaxe douanières.

Les actifs à éviter : bannir tous les excès

Commençons par enfoncer une porte ouverte : les placements à éviter en priorité sont les actifs risqués au sein des actifs risqués. Lors des crises, les actions qui plongent le plus rapidement sont celles qui sont présentent des déséquilibres. Voici quelques typologies d'actifs fragiles :

  • Les entreprises dont l'endettement est élevé. Sur le Stock Screener de Zonebourse, ce sont notamment les entreprises qui figurent dans les quartiles du bas pour la solidité financière (endettement, note composite santé financière…). Exemple : la société allemande Douglas (maison-mère de Nocibé) affichait une dette de 2,4 Mds€, très élevée par rapport à ses performances financières. Le titre a lourdement chuté depuis le début du mois d'avril.
  • Les entreprises qui étaient généreusement valorisées à cause d'un espoir de scénario "ciel bleu perpétuel" (PER élevé, perspectives de rentabilité éloignée…). Par exemple, les groupes Microchip ou Affirm aux Etats-Unis, ou Sartorius Stedim Biotech en France. Ces sociétés ont des qualités, mais leurs valorisations sont exorbitantes en période de freinage brusque, car leur croissance projetée ne permet plus d'absorber l'excédent de valorisation.
  • Les obligations High Yield. Ces produits sont plus risqués que la moyenne en temps normal. En contrepartie, ils offrent des rendements plus élevés que les obligations classiques. Pendant les périodes de crise, les obligations HY ont tendance à être plus volatiles. A ne pas mettre entre toutes les mains.

Quelques articles concrets pour comprendre et se positionner par rapport à la crise en cours

ARKK vs BH