"Parlez-nous un peu du groupe Roche Bobois…
Le groupe Roche Bobois est un acteur unique spécialisé dans la commercialisation de meubles, positionné à la fois sur le marché haut de gamme avec la marque Roche Bobois (près de 85% du chiffre d’affaires 2017, panier moyen de 4300 euros), et le marché milieu de gamme avec Cuir Center (panier moyen de 2300 euros). Plus de 50% du volume d’affaires est réalisé à l’international.

Votre activité se caractérise par une importante diversification au niveau géographique et au niveau de votre offre produits…
Roche Bobois propose une offre unique, des créations originales et audacieuses, avec plus de 5000 références actives (canapés, meubles, accessoires de décoration…) parmi lesquelles des modèles iconiques comme le Mah Jong. Cette offre est renouvelée continuellement grâce à la collaboration que nous avons avec de nombreux partenaires (50 créateurs, des designers et des grands noms du monde de la couture et de la mode) comme Marcel Wanders, Jean Paul Gaultier, Kenzo Takada ou Christian Lacroix.
Cuir Center propose plus de 200 références de canapés en cuir et en tissu.
Le groupe Roche Bobois possède 329 magasins répartis dans 54 pays dans le monde.
La France est toujours notre premier marché et représente 48% du volume d’affaires du groupe en 2017.

Les Etats-Unis constituent un marché clé pour votre croissance et vos perspectives de développement…
Absolument. Les Etats-Unis constituent le deuxième marché le plus important après la France et le premier contributeur à la rentabilité du groupe grâce à l’image de marque « French art de vivre ».
Nous détenons en propre notre réseau aux deux tiers sur l’ensemble du territoire américain. La marge d’Ebitda aux Etats-Unis est de l’ordre de 16%. Notre magasin de Madison Avenue qui est un de nos flagship aux Etats-Unis a réalisé un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros l’année dernière.
A titre de comparaison, alors que le panier moyen en France est de 3300 euros, il s’élève à 7300 euros aux Etats-Unis.

Qu’en est-il de votre activité dans un grand pays émergent comme la Chine ?
Nous avons actuellement douze magasins en Chine. Deux autres ouvertures sont programmées d’ici la fin de l’année. Nous avons délibérément fait le choix d’un développement progressif dans le pays.

Votre mode de distribution est mixte. Qu’est-ce que cela signifie ?

Nous avons fait le choix d’un développement mixte, avec des magasins en propre et des magasins en franchise. Cela nous permet de consolider la valeur sur les meilleurs territoires et d’être présents sur des villes de plus petite taille ou sur des territoires de conquête (Moyen Orient, Asie, Europe de l’Est, Afrique).
Cette mixité nous aide à avoir une organisation centrale plus légère, à accélérer la vitalité du groupe, et à avoir une meilleure gestion de nos capex. Nos dépenses d’investissement sont réservées aux zones que nous maîtrisons le plus et qui sont les plus rentables.

Il vous arrive parfois de racheter des franchises, lorsque l’occasion se présente…

Cette pratique peut s’avérer très rentable dans certaines situations car nous ne partons pas de zéro. Tel fut le cas d’une franchise aux Etats-Unis, à New York ou encore à Chicago. Grâce à notre expérience et à notre savoir- faire, nous avons réussi à augmenter notre chiffre d’affaires de 3,7 millions de dollars à 12 millions de dollars dans le premier cas et de 1,4 millions de dollars à 3 millions de dollars dans le second cas.

Le business model de Roche Bobois jouit de l’avantage d’être « fabless »... Qu’est-ce que cela implique au juste ?

L’une des spécificités de la société est en effet son modèle « 100% fabless », avec une production entièrement externalisée auprès de fournisseurs européens. Nous sommes des éditeurs de mobilier, qui concevons les collections avec les équipes créatives puis nous recherchons le meilleur fabriquant en Europe selon les spécificités des produits. Cela nous permet d’être plus agiles et plus réactifs en fonction des attentes du marché puisque nous ne sommes pas attachés à des outils industriels.
Nous avons un système de commandes décentralisé entre nos différents magasins. Les fabrications sont faites à la demande. Il n’y a pas de logistique centrale, pas de stocks à gérer.
Nos besoins en fonds de roulement servent en conséquence uniquement au développement de notre réseau. De même en est-il de nos capex.
Ce modèle distinctif nous autorise à être « customer driven » plutôt que « factory driven ». Nous sommes en mesure de présenter deux collections par an, en suivant les grandes tendances du moment.

Le groupe a connu ces dernières années un plan de rationalisation. Pouvez-vous nous en parler...  
Nous avons optimisé le réseau ces dernières années en fermant plusieurs magasins peu ou pas rentables pour améliorer la rentabilité. Nous avons réduit le nombre de marques de 4 à 2 et. Nous avons effectué une analyse complète des coûts fixes de manière à les optimiser. Entre 2011 et 2015, les actions menées ont permis une amélioration de l’Ebitda d’environ 100bp par an. Nous avons également fortement baissé notre niveau de dette grâce à une génération de cash d’environ 46 millions d’euros depuis 2011. La dette nette est ainsi passée de -36 millions en 2011 à +10 millions d’euros fin 2017. Toutes ces actions nous permettent d’entrer désormais dans un nouveau cycle d’accélération du développement et de la croissance.

En parlant de 2017, comment expliquez-vous que l’année ait été relativement flat si l’on considère le chiffre d’affaires consolidé…

Notre chiffre d’affaires consolidé ressort à 249 millions d’euros (32% générés par Roche Bobois France et 14% par Cuir Center), relativement stable par rapport à 2016.

Deux principales raisons expliquent ce résultat. Des livraisons ont été retardées au premier trimestre 2018. Des ouvertures de 18 magasins ont été faites en fin d’année dernière avec un effet de ramp-up début 2018. En outre, nous avons procédé à la rénovation de plusieurs magasins importants qui ont fermé temporairement.
Le phénomène de rattrapage n’a pas tardé à se concrétiser ce début d’année. Sur le premier trimestre 2018, le chiffre d’affaires consolidé, à taux de change constant s’est établi en augmentation de 8,7% (4,5% à taux de change courant). Le volume d’affaires est ressorti, quant à lui, en hausse de 2,6% avec un effet de change important de 4,7 millions d’euros qui ne devrait pas se reproduire sur le reste de l’année.

Quelles ont été les principales composantes de ce chiffre d’affaire consolidé ?
Les ventes de marchandises des magasins en propre (à hauteur de 218 millions d’euros), les redevances payées par les franchisés (11 millions d’euros), les commissions payées par les fournisseurs (16 millions d’euros), les ventes de services notamment les livraisons de commandes, (9,2 millions d’euros).

Avez-vous des objectifs chiffrés à moyen terme ?
Notre objectif est d’atteindre une marge d’Ebitda à deux chiffres dès 2019.

Nous avons notamment pour objectif d’accélérer la croissance du like for like grâce à la digitalisation, sur un positionnement renforcé sur le marché du B to B (hôtelleries et restaurants) et sur le « ramp-up » de nos ouvertures les plus récentes.
Nous voulons doubler la marge d’Ebitda de la France d’ici 2021, de 4% à 8%, ce qui suppose 3 millions d’Ebitda supplémentaires en valeur absolue.
Nous visons un chiffre d’affaires consolidé à 320 millions d’euros en 2021. Cela sous-entend 70 millions de chiffre d’affaires additionnels. Nous comptons ouvrir 39 magasins en net dont 18 en propre (9 aux Etats-Unis) à partir de structures humaines et organisationnelles déjà en place.
Nous prenons l’engagement de redistribuer 30% à 40% du résultat net annuel tous les ans.

Comment expliquez-vous que la marge d’Ebitda en France soit si faible par rapport à la moyenne du groupe ?
Le réseau en France est très maillé. Nous sommes également présents dans les petites villes.
Nous ne pouvons pas viser que le haut de gamme et avoir une politique de marge brute trop élevée.

Des actions correctives ont continué à être mises en place en 2017 et vont se poursuivre. Nous allons doubler notre marge d’EBITDA France d’ici 2021 (ce qui représente 3 M€ additionnels).
Les dépenses en termes de communication ont pesé sur les fondamentaux dans l’Hexagone.
Nous figurons parmi les premiers annonceurs dans la presse parmi les marques de meubles. Nous investissons également beaucoup dans des campagne TV, les campagnes digitales et nous n’hésitons pas multiplier les opérations de mécénat ou à vocation culturelle.

Si cette communication s’avère efficace d’après une étude récente réalisée avec TNS Sofres sur la notoriété et la qualité des produits proposés par Roche Bobois, elle est couteuse. La baisse du poids de la publicité sera un des leviers pour améliorer notre marge d’EBITDA en France.
Il y a un effet de base défavorable en France. Le pays représentant 40% du volume d’affaires, les frais de fonctionnement sont plus conséquents.

Il y a un différentiel de comportement d’équipement par rapport à ce que nous pouvons connaitre ailleurs, singulièrement aux Etats-Unis. Les achats sont ponctuels. Il n’y a pas d’aménagement de toute la maison. Le french flair ne fonctionne pas de la même manière.

Souhaitez-vous adresser d’autres marchés étrangers, au-delà de ceux qui composent votre univers actuel ?
Nous souhaiterions ajouter à notre panel l’Australie, certains pays scandinaves, le Brésil dans le cas où les droits de douanes viendraient à baisser.

Qu’escomptez-vous de votre activité e-commerce ?
Nous tablons sur un volume additionnel de 5% lié au e-commerce. Toute l’offre de décoration, 600 références. Ce développement se fera en prenant appui sur les franchisés. Il n’y aura pas de cannibalisation. On redonnera les commandes faites sur Internet au magasin le plus proche du client. Le magasin assurera la livraison, voir le service après-vente.

Avez-vous à l’esprit le projet de céder la marque Cuir Center pour atteindre vos objectifs ?
Il n’y a pas de projet de cession de la marque Cuir Center qui représente en 201715% du chiffre d’affaires.
La marque est connue du grand public comme un spécialiste des canapés en cuir et en tissu, disponibles à des prix accessibles et elle est rentable avec un volume d’affaires proche de 100 millions d’euros en 2017, dont 95% réalisé en France.
Il y a quelques synergies entre les deux entités, concernant notamment les achats d’espaces publicitaires, la direction commune, la logistique commune, l’administration commune qui permettre des économies d’échelle.

Qu’est censée devenir la participation du fonds d’investissement de Tamburi dans le capital du groupe à la suite de votre cotation ?
Le fonds Tamburi est entré dans le capital en 2013 à hauteur de 20%. Il possède à ce jour 38% du capital. Sa présence, pour l’heure, n’est pas remise en cause. Il croit beaucoup au potentiel de développement du groupe et à la création de valeur à venir.
Il a un lock up de 6 mois. La question de sa sortie se posera à la suite de cette période. Dans tous les cas, si sortie il y a, elle sera organisée et se fera progressivement et de manière concertée avec le reste des actionnaires.
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