* Un projet de fusion à $160 mds remis en question

* De nouvelles dispositions du Trésor changent la donne

* D'autres opérations pourraient être menacées

par Caroline Humer et Ransdell Pierson

NEW YORK, 6 avril (Reuters) - Pfizer penche en faveur d'un abandon du projet de rachat d'Allergan à la suite de l'annonce par le Trésor américain de nouvelles dispositions sur les opération d'inversion fiscale, apprend-on mardi d'une source proche du dossier.

Cette opération de 160 milliards de dollars (140 milliards d'euros), considérée comme le plus gros montage d'inversion jamais conçu, devait donner naissance au premier groupe pharmaceutique mondial et entraîner le transfert du siège social de Pfizer en Irlande.

La donne a changé lundi avec l'annonce par le département du Trésor de règles renforçant la lutte contre l'inversion, mécanisme par lequel des entreprises américaines délocalisent leur siège social dans un pays à taux d'imposition plus bas en achetant une société basée à l'étranger.

Les règles annoncées lundi priveraient Pfizer de l'avantage fiscal d'une délocalisation en Irlande, a ajouté la source, qui a précisé que les discussions entre les deux sociétés se poursuivaient et qu'aucune décision définitive n'avait encore été prise.

Le titre Pfizer a gagné mardi 2,1% à Wall Street. L'action Allergan a reculé de 14,8%.

Les deux entreprises, qui prévoyaient jusqu'à présent de boucler cette opération au second semestre 2016, ont dit dans un communiqué commun qu'elles allaient examiner les nouvelles mesures du Trésor et refusaient avant de l'avoir fait de spéculer sur leur impact éventuel.

Les mesures annoncées lundi visent à encadrer le processus d'acquisitions dans le but d'une inversion et à limiter les pratiques financières permettant aux multinationales de réduire leurs bénéfices soumis à l'impôt aux Etats-Unis.

Selon les nouvelles règles, les acquisitions d'actifs américains réalisées par une entreprise basée à l'étranger dans les trois ans précédant une inversion ne pourront plus compter dans les calculs déterminant si sa composition lui autorise à participer à ce type de montage.

"Cela veut dire en clair que les opérations réalisées par Allergan dans les 36 mois précédant l'opération ne compteront pas dans les calculs", écrit dans une note Umer Raffat, analyste d'Evercore.

D'AUTRES OPÉRATIONS MENACÉES

Ces opérations comprennent le rachat par Allergan d'Actavis pour 66 milliards de dollars, de Forest Laboratories pour 25 milliards de dollars et de Warner Chilcott pour 5 milliards de dollars.

"La vraie question n'est pas de savoir ce qu'Allergan peut prouver ou pas, ni si le Trésor abuse de son autorité", poursuit l'analyste. "La vraie question est de savoir si Pfizer, à la lecture de cette réglementation, va estimer s'il est justifié de poursuivre l'opération".

Les termes de la fusion entre Pfizer et Allergan prévoient une possibilité de rupture en cas de changement de la réglementation faisant de la nouvelle entité une entreprise soumise au régime fiscal américain. L'entreprise mettant un terme à l'opération devrait alors verser à l'autre jusqu'à 400 millions de dollars pour ses frais, stipule l'accord.

Barack Obama a salué les mesures annoncées par le Trésor tout en se prononçant en faveur d'une véritable législation pour permettre de lutter plus efficacement contre l'inversion.

Le président américain ne cesse de demander au Congrès, contrôlé par les Républicains, d'agir en la matière mais les parlementaires ne l'ont pas écouté jusqu'à présent.

Les nouvelles règles du Trésor menacent d'autres opérations, dont le projet de fusion de Johnson Controls et Tyco pour 16,5 milliards de dollars.

Johnson Controls, basé dans le Milwaukee, fabrique entre autres des systèmes de chauffage et de ventilation ainsi que des batteries pour l'automobile. Tyco, dont le siège social est installé en Irlande, est spécialisé dans les systèmes de protection anti-incendie.

(Juliette Rouillon et Patrick Vignal pour le service français)