"Le risque de déflation est réapparu. Tel est le message que donnent les marchés financiers en cette seconde moitié d'été 2011. Deux indicateurs suffisent pour s'en convaincre. Premièrement, à une centaine de points de base en dessus de 2%, le taux du Trésor américain à 10 ans est proche du niveau de fin 2008, lorsque la Fed annonçait son premier programme d'assouplissement quantitatif (QE1) visant précisément à contrecarrer le risque de déflation", note Yves Bonzon, directeur des investissements chez Pictet & Cie.

"Deuxièmement, l'indice d'actions Euro Stoxx Banks est proche du plancher atteint début 2009, lorsque la faillite de Lehman Brothers exacerbait la pression sur les prix de nombreux actifs. Aujourd'hui, le problème est bancaire également, mais il réside dans l'exposition des banques européennes à la dette des pays périphériques de la zone euro, dont la qualité semble se détériorer de jour en jour."

"La source principale du risque renouvelé de déflation est la même qu'en 2008: celle de la récession des bilans privés, désormais publics. Les politiques monétaires et fiscales ultra accommodantes auguraient d'une possible amélioration à travers la croissance. Or, elle fait aujourd'hui cruellement défaut, tant en Europe qu'aux Etats-Unis. Les marchés indiquent ainsi que l'économie ne tolère aucun début de resserrement monétaire ou fiscal, au moment même où la BCE entend lutter contre l'inflation à travers des hausses de taux, où la Fed entend stabiliser son bilan, où plusieurs Etats développés se voient contraints de revenir à des finances équilibrées à travers des coupes budgétaires."

"Le signal des marchés est donc clair : porter de manière prématurée les taux directeurs à des niveaux proches des moyennes historiques de 3%, ainsi que les déficits budgétaires en dessous de 3% trop rapidement risque de péjorer la croissance économique des pays développés de manière significative. Le problème de récession des bilans perdure depuis 2007, lorsque le pic du surendettement accumulé sur plusieurs décennies avait été atteint. Comme le problème est encore loin d'être résolu, les marchés financiers vont continuer sans relâche à se focaliser sur les réponses apportées par les autorités."

"Or, sans réponse claire et déterminée, à l'instar des réponses politiques peu convaincantes à la crise de l'endettement de la périphérie de la zone euro, les intervenants des marchés vont conserver une approche défensive. Ils intègrent ainsi aujourd'hui une prime de risque de liquidation désordonnée de l'excès d'endettement presque aussi élevée qu'à fin 2008. Une résolution de la crise européenne, qui permettrait de réduire cette prime de risque, passerait par une combinaison de mesures."

"Parmi celles-ci, on pourrait imaginer une mise en place systématique de transferts de liquidités des pays créanciers à ceux en difficulté, une BCE déterminée à racheter des actifs et encline à recourir à la planche à billets en cas de nécessité, ou encore des proportions d'haircuts (réduction de la dette) plus importantes que celles annoncées dans le cas de la Grèce, s'étendant par ailleurs également aux ménages américains surendettés."

"Tout porte à croire qu'une véritable volonté politique manque encore pour élaborer une solution crédible et durable. Force est donc de constater que le capital tend encore et toujours à quitter les bilans surendettés, tels que ceux de l'Italie ou du Portugal, pour rejoindre le club select des entités aux finances saines, comme la Suisse ou le Brésil."

"Ainsi, du point de vue de l'investisseur, les forces liées à la récession des bilans l'emportent sur tout autre système d'évaluation. Par exemple, même si les valorisations PER (ratio cours/bénéfices) des marchés actions semblent indiquer une opportunité d'achat, la prudence reste de rigueur dans un environnement où le risque de déflation peut se matérialiser. A ce titre, l'exemple du Japon devrait rester présent dans tous les esprits, les valorisations des actifs se rapprochant de la valeur comptable (soit un ratio price/book égal à un) en régime de déflation, alors qu'en Europe par exemple, ce ratio se situe encore à 1,3x environ."

"Dans un tel régime, les actifs qualifiables de solides, c'est-à-dire adossés à des bilans sains, vont ainsi continuer de surperformer les actifs plus cycliques et ceux adossés à des bilans de moins bonne qualité, soit plus risqués. Ces derniers réagiront cependant violemment à la hausse, sur toute nouvelle annonce de mesures visant à reflater l'économie. En Europe, ce sont principalement les banques et les sociétés d'utilité publique qui tombent sous cette seconde classification."