Washington (awp/afp) - Qualcomm s'effondrait en Bourse mercredi après qu'un juge en Californie l'a accusé d'avoir "étranglé la concurrence" et l'a condamné pour pratiques anti-concurrentielles dans le domaine des microprocesseurs pour téléphones mobiles.

Ce jugement, rendu tard dans la nuit de mardi à mercredi par la juge Lucy Koh à San Jose en Californie, donne raison à la Commission fédérale des télécommunications (FTC), qui avait porté plainte en 2017 contre le fabricant américain de composants pour smartphones pour pratiques anti-concurrentielles.

"Les pratiques d'attribution de licences de Qualcomm ont étranglé la concurrence" pendant des années dans des segments clé du marché des microprocesseurs pour la téléphonie mobile (modem chips ou puces de connexion), écrit la juge.

Qualcomm a "nui à ses rivaux, aux fabricants et aux consommateurs en agissant ainsi".

La juge Koh a aussi estimé que ces pratiques risquaient de se poursuivre en raison de la position occupée par Qualcomm dans le développement de puces pour la 5G, l'accès mobile ultra-rapide en cours de déploiement

Qualcomm a indiqué, dans un communiqué, qu'il allait faire appel de la décision.

"Nous sommes en total désaccord avec les conclusions de la juge, son interprétation des faits et son application de la loi", a déclaré Dan Rosenberg, directeur juridique de l'entreprise californienne.

A 13H50 GMT, Qualcomm dévissait de plus de 10% à la Bourse à New York.

Ce jugement, dans lequel la juge détaille, sur 233 pages, les pratiques commerciales de Qualcomm, est un coup dur pour le fabricant de semi-conducteurs et pourrait le forcer à remettre en cause sa façon de faire.

La juge Koh exige que Qualcomm renégocie ses contrats "en bonne foi" et "sans menace de couper l'approvisionnement ou autres clauses discriminatoires pour l'approvisionnement de puces de connexion, l'accès au support technique ou à des logiciels".

L'entreprise doit aussi mettre à disposition de fabricants de puces modem des accords de licence qui soient "justes, raisonnables et non-discriminatoires" et elle se voit interdire de passer des accords exclusif pour l'approvisionnement en puces.

Pour s'assurer qu'elle respecte bien ces injonctions, Qualcomm se voit ordonner de faire un rapport annuel à la FTC pendant une durée de 7 ans.

Selon Florian Mueller, l'auteur d'un blog spécialisé sur les brevets, qui a suivi en détail les différents épisodes judiciaires, la juge a été particulièrement frappée par les différences flagrantes entre les déclarations des responsables de Qualcomm devant le tribunal lors du procès à San José et le contenu des documents écrits (notes manuscrites, courriels, présentations) présentés comme pièces à conviction, tout particulièrement concernant les menaces de Qualcomm de couper l'approvisionnement tant que les clients n'acceptaient pas certaines conditions d'exploitation de licence de brevets.

Pour cette raison, "la cour a décidé de largement ignorer les dépositions des témoins" appelés à la barre.

La juge estime aussi que la base de calcul de Qualcomm pour le montant de ses royalties - à savoir la valeur totale du téléphone utilisant sa puce - est injustifiée, estimant que ce n'est pas la puce modem qui fait la valeur des smartphones.

Un argument qui avait déjà été avancé en substance par Apple pendant les deux années de bataille juridique sur presque tous les continents entre les deux entreprises. La marque à la pomme accusait Qualcomm de demander des royalties exorbitantes à cause de sa méthode de calcul notamment. Qualcomm, pour sa part, avait poursuivi Apple, l'accusant de profiter de sa position de force pour faire chuter les prix.

La paix avec Apple

A la mi-avril pourtant, le spécialiste des puces mobiles et la marque à la pomme avaient enterré la hache de guerre.

Un accord mettait fin à toutes les poursuites engagées de part et d'autre. Il prévoit qu'Apple verse une somme - dont le montant n'a pas été dévoilé - à Qualcomm.

Outre ce paiement, les deux entreprises ont signé un accord sur six ans sur les licences à compter d'avril, renouvelable pour deux ans, ainsi qu'un accord "pluriannuel" de fourniture de puces. Là encore, aucune donnée financière n'a été dévoilée.

Reste à savoir si le jugement intervenu dans la nuit aura un effet sur l'accord à l'amiable entre les deux entreprises.

afp/rp