par Huw Jones,

Le président américain a annoncé jeudi son intention de faire adopter des réformes pour limiter la prise de risque des principaux établissements financiers américains.

Des responsables et parlementaires associés aux débats sur la régulation aux niveaux européen et mondial ont déclaré qu'ils n'avaient pas été mis dans la confidence par la Maison blanche.

Le G20, qui regroupe les principales économies de la planète, avait convenu l'an dernier à Pittsburgh de coordonner les mesures réglementaires, une tâche confiée au Conseil de stabilité financière (CSF).

"Tout le monde coordonnait son travail par l'intermédiaire du G20, du Conseil de stabilité financière et du Comité de Bâle. Le processus international n'est pas devenu incontrôlable, mais il y a un peu de ça. Beaucoup, en Europe, ont été surpris hier", a reconnu un responsable associé au débat multilatéral sur la régulation.

"Nous avons vu le Royaume-Uni avancer de son côté avec ses propres règles sur les liquidités, et maintenant nous avons (ce projet) des Etats-Unis. Personne ne connaît les détails et ne sait si d'autres pays pourraient suivre. Cela crée de la confusion sur le plan réglementaire", a-t-il ajouté.

Si certains responsables politiques français et britanniques ont salué le projet de Barack Obama, d'autres ont mis en garde Washington contre les dangers d'un cavalier seul.

CONFUSION

"Cela se passe en dehors de la structure mondiale qui a été mise en place, à cause de pressions politiques internes", a dit le responsable européen en référence au revers subi cette semaine par les démocrates lors de l'élection sénatoriale du Massachussetts.

Les marchés s'inquiètent de la rapidité avec laquelle le successeur de George W. Bush a annoncé ses intentions sans en avertir l'Europe ou l'Asie et sans préciser son projet, ont noté des experts juridiques et réglementaires.

Le projet de Barack Obama ne va pas nécessairement faire dérailler la feuille de route du G20, estiment de leurs cotés des juristes.

"Cela ne modifie pas la dynamique. Cela place les Européens à un tournant : ils vont devoir faire un choix", estime ainsi Michael McKee du cabinet DLA Piper.

A l'inverse, les autorités américaines pourraient se retrouver en difficulté si elles ne trouvent pas de soutien parmi leurs partenaires.

"Si les Etats-Unis prennent cette voie mais que l'Europe et le G20 ne suivent pas, il sera très, très difficile pour le gouvernement américain de permettre à des banques non-américaines de continuer à opérer aux Etats-Unis", note Simon Gleeson, juriste financier chez Clifford Chance.

"Si le G20 et l'Europe ne suivent pas, on pourrait donc se retrouver face à une véritable guerre commerciale dans les services financiers".

Les juristes estiment en outre qu'il sera difficile de déterminer la frontière entre les activités de dépôts et celles de trading en Europe, où le modèle de banque universelle est courant.

En outre, de nombreuses banques européennes ont déjà commencé à se retirer des activités de trading pour compte propre, en raison d'une moindre rentabilité et de la menace de charges écrasantes.

La question clé pour l'Europe est de savoir si elle va se satisfaire d'une séparation des activités de banque commerciale et de banque d'investissement à l'intérieur des établissements financiers ou si elle les scindera complètement, explique Simon Gleeson.

Version française Alexandre Boksenbaum-Granier