Quand le représentant spécial de Donald Trump pour le commerce, Robert Lighthizer, sort de son silence, les marchés financiers sont tout ouïe. Cette nuit, il a révélé que le président américain lui avait demandé de lancer le processus de taxation à 10% de 200 milliards de dollars de marchandises chinoises additionnelles, en vertu du processus de la section 301 de la loi sur le commerce de 1974, qui autorise l'exécutif américain à prendre toute mesure qu'il juge nécessaire pour contrer ce qu'il estime être des pratiques abusives.

Cette décision n'est pas une surprise. Donald Trump avait prévenu qu'une nouvelle vague de droits de douane frapperait les produits chinois si Pékin venait à répliquer aux 34 milliards de dollars de produits surtaxés à 25% par les Etats-Unis depuis le 6 juillet (auxquels s'ajouteront bientôt 16 milliards de dollars). Or la Chine a réagi, rendant presque inéluctable la poursuite du bras de fer.

Cette décision n'est pas sortie comme par magie du chapeau. Les autorités américaines produisent une abondante littérature sur le sujet depuis plusieurs mois. Le document de l'USTR est sérieusement étayé. Il a évidemment les défauts de ses qualités : centré sur les intérêts américains, il fait peu de cas des dommages collatéraux et élude les sujets polémiques. Mais il pose aussi de bonnes questions vis-à-vis de la stratégie économique chinoise.

Cette décision n'est pas illégitime. C'est un peu le retour de balancier. Pendant des années, les sociétés occidentales ont fait des pieds et des mains pour entrer sur l'énorme marché chinois, quels que soient les secteurs. Rusées et gardant en mémoire plusieurs siècles d'occupation, les autorités locales ont accepté, mais en imposant des conditions juridiques très contraignantes, des coentreprises minoritaires et des transferts de technologie. Et cela a fonctionné : la plupart des multinationales ont préféré renoncer à certains de leurs principes pour ne pas rater la ruée vers l'or. Il est sans doute temps de rééquilibrer les choses. Mais Trump n'a pas choisi la méthode douce, qu'il méprise apparemment de toute façon.

200 pages de produits

Le fichier de produits qui risquent de subir 10% de droits de douanes comprend plus de 200 pages. L'USTR y a inclus beaucoup de denrées alimentaires, notamment des centaines de poissons, de fruits de mer, de viandes, de légumes, mais aussi des composants électroniques destinés aux smartphones et aux écrans de télévision, du mobilier, des sacs et bagages ou des produits plus anecdotiques comme des gants de baseball et des laisses pour animaux domestiques. L'exécutif chinois a déjà prévu de répliquer tout en saisissant l'Organisation mondiale du commerce. Mais nous ne prendrons pas un gros risque en estimant que le bras de fer se règlera autour d'une table de négociation, entre quatre yeux.