(Actualisé avec contexte, situation à Gaza)

LARNACA, Chypre, 12 mars (Reuters) - Un navire chargé de denrées a quitté mardi le port chypriote de Larnaca à destination de la bande de Gaza, inaugurant ainsi une liaison maritime pour acheminer de l'aide à l'enclave palestinienne, où plus d'un quart de la population est menacée par la famine selon les Nations unies.

Le navire de sauvetage Open Arms, de l'ONG espagnole du même nom, remorquera 200 tonnes de nourriture, financées en grande partie par les Emirats arabes unis.

Les vivres sont fournies par l'ONG américaine World Central Kitchen (WCK), qui dit avoir 500 autres tonnes de denrées entreposées à Chypre pour de futures missions.

Ce projet pilote soutenu par l'Union européenne prévoit de livrer directement de l'aide au territoire palestinien, coupé du monde depuis l'offensive lancée par Israël en représailles à l'attaque du Hamas du 7 octobre dernier.

Le trajet jusqu'à Gaza dure environ 15 heures, mais le navire est si chargé que le voyage pourrait prendre jusqu'à deux jours.

L'armée américaine a déclaré qu'un de ses navires, le "General Frank S. Besson", apportait également de l'aide humanitaire à Gaza.

"Nous voulons créer une route maritime composée de navires et de barges chargés de millions de repas pour alimenter Gaza de manière continue", ont expliqué dans un communiqué José Andrés, fondateur de WCK, et Erin Goe, son directeur général.

Si elle réussit, cette mission représentera une première brèche dans le blocus naval imposé par Israël à la bande de Gaza depuis que le territoire est passé sous le contrôle du Hamas en 2007.

Faute d'infrastructures portuaires à Gaza, l'ONG WCK envisage de construire une jetée à l'aide de matériaux provenant des décombres de bâtiments détruits par les bombardements d'Israël.

La construction de la jetée est "en bonne voie", a déclaré Jose Andres dans un message sur X, publiant une photo de bulldozers nivelant un terrain proche de la mer.

Les cargaisons seront inspectées avant leur départ de Chypre par une équipe comprenant des fonctionnaires israéliens, afin d'éviter tout blocage de l'aide à son arrivée à destination.

Le bureau humanitaire des Nations unies a salué les efforts déployés pour apporter de l'aide par voie maritime et aérienne, mais a prévenu qu'ils ne suffiront pas. Les organisations humanitaires estiment qu'une aide efficace est impossible tant que la plupart des points de passage terrestres sont coupés par Israël.

CONDITIONS "DÉSASTREUSES"

L'Onu estime qu'un quart de la population de Gaza est désormais menacée par la famine, en particulier dans le nord de l'enclave où Israël empêche tout approvisionnement.

"Les conditions sont désastreuses, je suis au marché depuis ce matin et les prix sont hors de portée pour les gens normaux", explique Yamen, un père de quatre enfants, dont la famille a trouvé refuge à Deir Al-Balah dans le centre de la bande de Gaza.

"Nous sommes doublement affamés : la nourriture est rare, et quand il en reste, son prix dépasse l'entendement".

Des scènes chaotiques et des incidents mortels ont eu lieu lors de distributions d'aide, des Palestiniens affamés se battant pour obtenir de la nourriture.

Mardi, les autorités sanitaires palestiniennes ont indiqué que neuf Palestiniens avaient été tués et des dizaines d'autres blessés par des tirs israéliens sur la place du Koweït, dans la ville de Gaza, où des foules attendaient l'arrivée de camions d'aide humanitaire. Israël n'a pas commenté l'incident dans l'immédiat.

"Bombarder des rassemblements d'affamées est devenu la routine des forces d'occupation, et la communauté internationale peut le voir sur ses écrans", a déclaré mardi Ashraf Al-Qidra, porte-parole du ministère de la santé de Gaza.

"La faim tuera tous les habitants du nord de la bande de Gaza. L'aide est très rare. Le prix d'un repas peut signifier la mort. Aidez les habitants du nord. Ne les laissez pas en proie à la faim, aux bombardements et aux maladies".

Les autorités gazaouies estiment que l'offensive israélienne dans l'enclave palestinienne a tué 31.184 personnes et blessé 72.889 autres.

Des négociations, menées par le Qatar, l'Egypte et les Etats-Unis, se poursuivent pour parvenir à un cessez-le-feu, sans avancée majeure dans l'immédiat.

Le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères a

prévenu mardi

qu'un cessez-le-feu à court terme entre Israël et le Hamas était peu probable. (Michele Kambas, Stamos Prousalis et Yiannis Kourtoglou; version française Jean-Stéphane Brosse, Nicolas Delame et Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)