David Swensen donne un avis d'expert sur la crise et les moyens d'en sortir
Par La Rédaction
David Swensen, qui dirige le fonds d'investissement de 17 milliards de dollars de l'université de Yale aux États-Unis, a donné une interview à Fortune à l'occasion de la réédition de son ouvrage « Innover dans la Gestion de Portefeuille ». Le fonds de Yale n'est pas épargné par la crise : alors qu'il rapportait en moyenne un rendement de 17% par an, il a perdu 13,4 % de sa valeur sur les quatre premiers mois de son exercice, débuté en juillet dernier.
L'économiste ne mâche pas ses mots lorsqu'il évoque le programme gouvernemental TARP (Troubled Assets Relief Program) de renflouage des sociétés financières. En traitant différemment des entreprises également atteintes, telles que Fannie Mae, Freddie Mac, Bear Stearns ou Lehman, les pouvoirs publics ont semé le trouble. Désormais, aucun investisseur privé ne voudra prendre le risque de fournir de l'argent à une institution financière en ne sachant pas quelle sera la réaction des autorités financières en cas de coup dur.
L'opinion publique est troublée : leurs impôts vont aller dans l'escarcelle de banques qui pourtant ne leur prêtent toujours pas d'argent. Mais David Swensen explique qu'il serait illusoire, étant donné l'état déplorable des bilans des banques, de s'attendre à ce qu'elles puissent accorder des crédits dès maintenant.
Restaurer la confiance des capitaux privés
Selon lui, la crise ne pourra être surmontée tant que les marchés financiers n'auront pas retrouvé un certain équilibre. Pour ce faire, il faut attirer les capitaux privés vers le marché monétaire et les obligations à court terme.
Les pouvoirs publics doivent adopter en conséquence une attitude interventionniste en garantissant les flux de capitaux. Mais si le gouvernement crée un fonds de garantie pour les institutions intervenant sur le marché monétaire, ce fonds doit impérativement prévoir des sanctions. Si un gestionnaire franchit la ligne blanche et doit s'inscrire au fonds de garantie - en commettant des actes illicites ou en prenant des risques inconsidérés - il doit subir une sanction allant de l'amende à l'interdiction de prendre des dépôts monétaires.
Les institutions qui doivent impérativement recevoir des dépôts monétaires pour leur activité seront ainsi fortement incitées à ne pas s'inscrire sur le fonds de garantie, quitte à assumer elles-mêmes les conséquences de leurs erreurs.
La régulation des marchés est nécessaire mais pas suffisante
Face à cette crise, il faut renoncer au dogme de l'auto-régulation des marchés. Une régulation des établissements financiers est nécessaire et doit porter aussi bien sur leurs bilans comptables que sur leurs actifs hors-bilan.
Mais les investisseurs ne peuvent se reposer uniquement sur les régulateurs pour qu'ils leur assurent un monde « sans risque ». La première règle que doit appliquer un investisseur est de ne pas investir dans des objets financiers qu'il ne comprend pas. C'est une des idées directrices des investissements du fonds de Yale, qui veille à ce que les institutions dans lesquelles le fonds place de l'argent affichent une totale transparence sur leurs pratiques.
Cette crise aura toutefois certains effets bénéfiques. Certains fonds d'investissement, notamment ceux fonctionnant par LBO, vont désormais privilégier la solidité des entreprises dans lesquelles ils entreront, plutôt que le gain financier à court terme. En outre, on peut espérer que la Réserve Fédérale se donnera à l'avenir les moyens de surveiller les actifs hors-bilan, une catégorie qui a été particulièrement en cause dans les récentes faillites bancaires.