(Actualisé avec précisions, réactions et cours de Bourse)

par Philip Blenkinsop et Tim Hepher

BRUXELLES/PARIS/WASHINGTON, 13 octobre (Reuters) - L 'Organisation mondiale du commerce (OMC) a autorisé mardi l'Union européenne à imposer des droits de douane sur quatre milliards de dollars (3,4 milliards d'euros) d'importations en provenance des Etats-Unis en raison des aides publiques américaines à Boeing.

A trois semaines de l'élection présidentielle américaine du 3 novembre, cette décision pourrait raviver les tensions commerciales entre Washington et Bruxelles mais elle pourrait aussi permettre de clore un litige vieux de 16 ans entre Boeing et Airbus, le plus important traité par l'OMC.

Les deux camps disent vouloir régler ce conflit sur les subventions accordées à leurs constructeurs aéronautiques respectifs tout en s'accusant mutuellement de refuser un véritable dialogue.

La Commission européenne a dit sa "forte préférence" pour une solution négociée à ce différend avec les Etats-Unis, auxquels elle a demandé mardi après la décision de l'OMC de retirer leurs propres droits de douane sur diverses catégories de produits européens pour que l'UE s'abstienne d'exercer ses "droits à des représailles".

La France, de son côté, a estimé que l'UE devrait imposer des sanctions contre les Etats-Unis en l'absence de solution négociée.

Airbus a dit pour sa part soutenir entièrement la Commission européenne dans les actions qu'elle pourrait prendre après le feu vert de l'OMC à des droits de douane européens.

LES USA MENACENT DE RIPOSTER À DES DROITS DE DOUANE DE L'UE

Le Bureau du représentant américain au Commerce (USTR) a jugé que l'UE ne disposait d'aucune base juridique pour imposer des droits de douane sur ses importations en provenance des Etats-Unis, malgré la décision de l'OMC.

Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, a déclaré qu'une telle initiative de l'UE serait "clairement contraire aux principes de l'OMC et entraînerait une réaction américaine".

La décision rendue par les médiateurs de l'OMC a été retardée par la pandémie due au nouveau coronavirus.

L'organisation internationale avait rendu en octobre dernier un jugement similaire en faveur des Etats-Unis, les autorisant à appliquer des droits de douane sur 7,5 milliards de dollars d'importations en provenance de l'UE.

Depuis cette décision, l'Etat de Washington a décidé de mettre fin aux allégements fiscaux dont a bénéficié Boeing, tandis qu'Airbus a accepté un relèvement des taux d'intérêt sur des prêts pour l'A350 obtenus auprès de la France et de l'Espagne.

Boeing estime que rien ne justifie des droits de douane européens puisqu'il respecte désormais la décision rendue par l'OMC.

Airbus, de son côté, assure également s'être conformé aux décisions rendues par l'OMC et dit que l'UE est dans son droit d'imposer de nouvelles taxes, tout en appelant à une solution négociée.

L'exécutif européen a dressé une longue liste de produits américains qu'il pourrait cibler comme le vin, les spiritueux, les valises, les tracteurs, le poisson surgelé, ainsi que des produits agricoles allant des oignons séchés aux cerises.

DES TAXES DE 15% SUR LES BOEING IMPORTÉS?

La Commission européenne pourrait imposer de nouveaux droits de douane à l'issue d'une réunion de l'OMC prévue le 26 octobre, mais peu d'experts s'attendent à ce qu'elle le fasse avant les élections américaines.

Parmi les pistes envisagées, les compagnies aériennes qui importent des Boeing pourraient devoir s'acquitter de droits de douane de 15%, le même taux appliqué outre-Atlantique aux Airbus construits en Europe.

Ryanair, le principal client européen de Boeing, a demandé à l'avionneur américain de prendre à sa charge ces droits de douane et compte utiliser cet élément dans le cadre des négociations pour l'achat de nouveaux 737 MAX, un appareil cloué au sol depuis mars 2019 en raison de deux catastrophes aériennes.

Selon des sources européennes, l'UE pourrait également exhumer une vieille décision, qui l'autorise à imposer des taxes sur quatre milliards de dollars d'importations américaines dans le cadre d'un litige que les deux parties avaient fini par régler en 2006. Les Etats-Unis estiment cependant que la décision, jamais appliquée, n'est plus valable.

Airbus fait également valoir que le litige sur le financement de son A380, le plus gros avion civil au monde, n'est plus pertinent car la production de l'appareil a été arrêtée en raison de faibles ventes.

A la Bourse de Paris, l'action Airbus a fini en baisse de 3,5% à 63,68 euros, tandis qu'à Wall Street, Boeing reculait de 2,3% à 163,49 dollars vers 16H00 GMT. (Avec Andrea Shalal et David Lawder, version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)