PARIS (awp/afp) - Des premiers matches diffusés par Canal+ en 1984 au contrat maudit à 1 milliard d'euros de 2020 avec Mediapro, diffuseur défaillant de la Ligue 1 éconduit vendredi, retour sur 36 ans de bataille rangée pour les droits télé du football français.

1984-1999: Canal+ s'offre l'exclusivité

Alors qu'avant 1984, la Division 1 s'écoute davantage à la radio que ne se regarde, cette année est cruciale: Canal+, nouvellement créée, s'empare des droits exclusifs. La nouvelle chaîne privée devient LA chaîne du foot et diffusera une rencontre par journée, le dimanche soir, pour 800.000 euros par saison au départ.

TF1 se contente des résumés de matches, retransmis le dimanche matin dans son émission phare Téléfoot. Créée en 1977, cette dernière devient la vraie messe du foot à partir de 1984, avec l'arrivée du duo Thierry Roland - Jean-Michel Larqué.

1999-2004: Canal-TPS, début des surenchères

"Le monopole ne pouvait pas perdurer", reconnaît le PDG de Canal+, Pierre Lescure, après un Conseil d'administration de la Ligue (alors Ligue nationale de football, LNF) en juin 1999. A l'aube du nouveau millénaire, la chaîne cryptée doit partager le gâteau avec un nouveau venu: le bouquet satellitaire TPS, du groupe TF1.

A la LNF, dirigée par Noël Le Graët, on se réjouit de la manne financière, qui se compte déjà à l'époque avec neuf zéros: un total de huit milliards de francs suisses (1,2 milliard d'euros) jusqu'à 2004.

L'issue de cette première guerre des droits satisfait tout le monde, Canal+ conservant les meilleurs rencontres et son magazine "Jour de foot" et TPS s'offrant le 2e meilleur match par journée et diffusant six autres rencontres de chaque journée à la carte, comme Canalsat.

2004-2008: Canal+ fait le ménage

Les lois de la concurrence s'appliquent et TPS et Canal+ s'avancent dans une surenchère qui fait monter les prix. Mais en 2004, Canal réussit un coup de force à 650 millions d'euros. Pour cette somme record, elle rachète la totalité des droits de Ligue 1. TPS, qui a perdu sa raison d'être, est rachetée par Canal+ fin 2005.

Canal+ reste seul diffuseur du championnat pendant 4 ans et limite la hausse des droits.

2008-2012: cohabitation avec Orange

En 2008, un nouvel arrivant, Orange, arrache une partie des droits et diffusera le match du samedi soir.

Canal+ garde la part du lion et son rendez-vous rituel du dimanche soir. La Ligue obtient une somme annuelle de 668 millions d'euros (465 pour Canal + et 203 pour Orange), nouveau record.

2012-2016: internationalisation des droits avec beIN

Le Qatar, qui a fait du sport un élément de sa géopolitique, rachète une partie des droits du football français - après s'être offert le PSG en 2011. Baptisée beIN Sports, la chaîne sportive du groupe qatari Al-Jazira entre d'abord à petits pas sur la scène hexagonale.

Lors de l'appel d'offre pour 2012-2016, beIN prend les 3e et 4e meilleurs matches, ainsi que les droits internationaux de la L1 et ceux de la Ligue 2, tandis que Canal+ garde les deux meilleures affiches. La totalité des droits atteint 607 millions par an, en régression.

2016-2020: Canal+ balayé, crash de Mediapro

En 2014, la période 2016-2020 est adjugée pour 726,5 millions d'euros (sans compter les 22 millions pour la L2). Canal+ garde les meilleures affiches mais beIN Sports continue son expansion et garde les droits internationaux.

De plus en plus acculé, Canal+ perd son procès intenté contre beIN pour "concurrence déloyale" et perdra en 2015 les droits TV de la Premier League, chipés par un nouvel acteur surprise (Altice). A bout de souffle en 2018 pour négocier 2020-2024, Canal+ n'obtient aucun lot, une première depuis 1984, avant de racheter dans un second temps deux matches par journée, lot acquis initialement par beIN.

L'attribution des droits atteint 1,153 milliard d'euros, dont 800 millions pour le groupe sino-espagnol Mediapro. De la Ligue aux clubs, l'ensemble des acteurs se congratulent.

Mais le milliard est un cadeau empoisonné: à l'automne 2020, Mediapro, qui diffuse les matches sur sa chaîne Téléfoot, refuse de payer. Une crise sans précédent s'ensuit, jusqu'à la rupture de contrat décidée vendredi par la Ligue.

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