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CAEN (awp/afp) - Onze de départ, tactique, mercato... confiés aux internautes ! L'AG Caen, un vrai club de foot évoluant en sixième division, a débuté samedi son championnat en étant coaché à 100% via un site internet, United Managers.

Le concept, innovant, n'offre pas de cadre réglementaire et soulève des questions dans le football amateur autour de l'équité entre clubs.

Samedi, la composition de l'Avant-Garde Caennaise, qui affrontait Dives-Cabourg pour son premier match de la saison, n'est pas revenue à l'entraîneur Julien Le Pen mais aux "Umans", des coachs collaboratifs.

Cette révolution est rendue possible par United Managers lancé fin août par un ancien professeur d'EPS. "Tous les fans de football qui ont envie d'entrer dans l'ère du coaching collaboratif sont les bienvenus. On va prendre collectivement toutes les décisions qu'un coach classique prend habituellement seul", explique le concepteur Frédéric Gauquelin. Et pour parer à tout risque de piratage, le coach garde "un droit de véto", assure-t-il.

L'avis des internautes les mieux notés sur la "pertinence (de leurs suggestions), leur ancienneté et leur investissement au sein de la communauté" aura plus de poids dans la décision finale.

Ce n'est pas pour autant la garantie du succès, puisque pour leur première, les Umans ont été sèchement battus samedi (1-4).

L'équité sportive en question

Pour la Ligue de football de Normandie (LFN) garante de la compétition, ce système est "contraire au statut d'éducateurs de football" défini par l'Union des entraîneurs français (Unecatef), selon qui "la conduite de l'entraînement, la composition et la direction d'équipe" doivent être assurées par l'entraîneur.

Un argument soufflé à la Ligue par certains clubs évoluant dans la même poule que l'AG Caen. "La compétition s'organise avec des équipes, des éducateurs diplômés, ce sont des règles que nous imposent la FFF, si on ne les respecte pas on est sanctionné", signale Thierry Deslandes, président du club de la Maladrerie.

"Ils veulent appliquer Football Manager (jeux vidéo où l'on se retrouve dans la peau d'un entraîneur, NDLR) en grandeur nature ! L'éducateur qui est sur le banc, il a sa tablette, il reçoit les instructions et les applique même s'il n'est pas d'accord !", s'étrangle-t-il.

"Il y a aussi un questionnement sur l'équité de la compétition. Le coach de l'Avant-Garde va avoir un système qui va l'aider dans sa stratégie avec des infos sur le comportement des joueurs, l'état de fatigue" via un abonnement auprès du statisticien Opta, utilisé dans le foot professionnel.

Initialement favorable, la LFN a reculé face à cette "levée de boucliers".

Ce concept "novateur", soutenu par la région Normandie, la BPI et la ville de Caen, se voulait "une promotion du football normand (...) mais ils devront revoir leur copie et se mettre en conformité. Toute la subtilité va être de dire ce que fait l'internaute, s'il est assistant-coach ou s'il est éducateur".

Manne financière

Mais derrière ces protestations de forme pointe surtout l'épineuse question de la manne financière créée par le projet et celle des droits à l'image lors de la retransmission en direct des matchs sur le site.

"L'entreprise fait de l'argent, exactement sur le même principe que Canal+ ou BeIn Sports avec la vente d'abonnements à 5 euros, (il serait normal) qu'on puisse avoir quelques retombées", a estimé M. Deslandes, qui aurait exigé 5.000 euros de droit.

Une requête qui fait bondir le chef du projet Frédéric Gauquelin dont la start-up emploie neuf personnes.

"Jamais le Régional n'a été facturé et jamais il n'a été interdit de filmer ses matchs. Tous les clubs filment leurs matchs ! Et là subitement en R1 Normandie, on interdit ? C'est scandaleux !, s'insurge-t-il.

Après consultation auprès de la FFF, la Ligue de Normandie a finalement transigé vendredi en acceptant une diffusion en différé. Les "Umans" souhaitant participer aux décisions au cours du match devront se déplacer au stade.

Une réunion de conciliation avec l'ensemble des clubs de R1 Normandie est prévue début octobre. "Certains ont déjà fait un rétropédalage et soutiennent désormais le projet", a assuré la LFN. Les concepteurs de United Managers ont demandé à être reçus par la FFF et l'Unecatef.

Ironie du sort, la Fédération a lancé fin juillet ses Trophées de l'innovation, afin de récompenser des start-up novatrices dans l'univers du football avec comme catégorie "expérience fan" afin "de rendre le supporter acteur du match".

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