La banque française devra également suspendre pendant un an, à partir du 1er janvier 2015, des opérations de compensation en dollar, principalement liées à des financements sur les marchés du pétrole et du gaz. Elle devra ainsi trouver d'ici là d'autres banques susceptibles de réaliser à sa place ce type opérations.

Dans un communiqué, BNP Paribas fait part de ses "regrets pour ces erreurs passées" et affirme que son ratio de solvabilité common equity tier one Bâle III, très surveillé par les investisseurs, devrait s'établir à environ 10% au 30 juin. Il atteignait 10,6% au 31 mars.

Lors d'une conférence téléphonique, le directeur financier, Lars Machenil, a précisé que le ratio de levier devrait également être impacté, mais rester supérieur à 3%.

Le groupe a confirmé les objectifs de son plan de développement 2014-2016, dévoilé en mars, et réaffirmé le caractère "stratégique" du marché américain, région appelée à contribuer au produit net bancaire à hauteur de 12% en 2016, contre 10% en 2013.

Le plan 2014-2016 prévoit que BNP affiche une rentabilité des fonds propres (ROE) supérieure ou égale à 10% dans deux ans. En excluant les éléments exceptionnels, elle s'élevait à 7,7% l'an dernier. L'entreprise souhaite également faire progresser son produit net bancaire d'au moins 10% sur trois ans.

En attendant, BNP Paribas passera dans ses comptes du deuxième trimestre une charge exceptionnelle de 5,8 milliards d'euros. Les résultats semestriels de la banque seront communiqués le 31 juillet.

La banque n'a pas précisé de quelle manière elle entendait financer le paiement de son amende mais a déclaré qu'elle "ajusterait" le niveau du dividende 2014 à celui de 2013 (1,50 euro par action). Hors impact US, il aurait été de l'ordre de deux euros.

Le directeur financier a estimé que la banque restait "solide" et qu'elle disposait d'une "trésorerie abondante" lui permettant d'absorber ce choc financier.

Le marché a salué cet accord par une hausse de 3% de l'action BNP à la Bourse de Paris, les investisseurs ayant le sentiment que le dossier est désormais clos.

"Si les montants semblent énormes - presque une année de profit, ou deux fois le montant 'perdu' par Jérôme Kerviel - l'essentiel est sauf. En effet, BNP Paribas pourra conserver sa licence américaine, ce qui était le plus important et aurait pu signer un 'arrêt de mort' pour la banque française", observe John Plassard, directeur adjoint de Mirabaud Securities.

L'action avait perdu jusqu'à 20% après l'annonce en février d'une provision destinée à couvrir partiellement cette amende, réduisant sa capitalisation boursière d'environ 15,4 milliards d'euros. Malgré le rebond enregistré mardi, le titre perd toujours 16% depuis mi-février.

BNP Paribas avait provisionné 1,1 milliard de dollars au quatrième trimestre 2013 pour ce litige mais avait prévenu le 30 avril qu'une éventuelle amende pourrait largement dépasser ce montant.

"COLLUSION TOLÉRÉE"

Le régulateur bancaire de l'Etat de New York a demandé le départ de 13 collaborateurs de BNP Paribas dans le cadre de cet accord, dont celui de Georges Chodron de Courcel, l'un des directeurs généraux délégués du groupe.

Sans directement faire le lien avec son contentieux aux Etats-Unis, BNP avait annoncé le 12 juin que Georges Chodron de Courcel quitterait son poste le 30 juin.

Un avocat de la banque française s'est présenté devant un tribunal de New York pour répondre du chef d'accusation de falsification de documents commerciaux et de celui de collusion.

Le substitut du procureur de Manhattan Ted Starishevsky a déclaré que la BNP était impliquée dans une collusion "de long terme" et couvrant "plusieurs juridictions", violant les règles américaines d'embargo en facilitant des transactions avec le Soudan, Cuba et l'Iran.

"Cette conduite, cette collusion était connue et tolérée aux plus hauts niveaux de BNP", a-t-il dit.

"A travers une série de procédures complexes pour échapper à toute détection, qui étaient connues de nombreux responsables, des employés de BNP ont dissimulé plus de 190 milliards de transactions entre 2002 et 2012", précise le régulateur bancaire de l'Etat de New York dans un communiqué.

Lors d'une interview accordée lundi à Reuters, le procureur de Manhattan Cyrus Vance a déclaré que les investigations concernant des responsabilités individuelles dans le dossier se poursuivaient.

Le responsable des affaires juridiques de la banque, Georges Dirani, a pour sa part reconnu que BNP avait pris des mesures entre 2004 et 2012 pour se soustraire aux sanctions prises par Washington à l'encontre de l'Iran, Cuba et le Soudan.

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui dépend de la Banque de France, a estimé lundi soir que la banque jouissait d'une situation de solvabilité et de liquidité "tout à fait solide" et qu'elle était en mesure de poursuivre son activité.

De son côté, le ministre des Finances Michel Sapin a pris acte de l'accord intervenu entre BNP et les autorités américaines, et a plaidé pour développer l'usage de l'euro comme devise internationale face au dollar.

(avec Maya Nikolaeva, Ingrid Melander, Karen Freifeld, Aruna Viswanatha, Blaise Robinson et Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Dominique Rodriguez)

par Joseph Ax et Matthias Blamont