NANTERRE (awp/afp) - Le reportage de "Complément d'enquête" "Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien?" était-il diffamatoire? France Télévisions, qui l'a diffusé en 2016, ainsi que son auteur, devront en répondre devant le tribunal correctionnel de Nanterre mardi.

La plainte de l'homme d'affaires, lancée contre X, avait été déposée le 6 juillet 2016 et une information judiciaire ouverte en octobre de la même année.

En cause un portrait-enquête de 72 minutes réalisé par Tristan Waleckx, Mathieu Rénier et Mikael Bozo, diffusé en avril et juillet 2016 sur France 2.

Dans ce reportage, qui a reçu le prix Albert Londres en 2017, les journalistes retracent le parcours de l'industriel breton, de la reprise de la fabrique familiale de papier à cigarettes OCB en Bretagne, à la construction de son empire diversifié, en passant par la reprise en main de Canal+ et sa présence en Afrique.

Ils évoquent notamment les activités de la Socapalm, société qui produit de l'huile de palme au Cameroun et dont Vincent Bolloré est actionnaire minoritaire. Des sous-traitants, pour certains présentés comme mineurs, payés à la tâche, travaillant sans vêtements de protection et logeant dans des conditions insalubres, y témoignent face à la caméra.

"Il ne faut pas imputer à Bolloré ce qui lui est étranger", estime Me Olivier Baratelli, l'avocat de l'entrepreneur. "Traiter un groupe de 59.000 salariés présent dans 143 pays par le prisme déformant de plantations qui appartiennent en réalité à la Socapalm, société dont l'Etat camerounais est actionnaire (majoritaire), c'est faire une présentation tronquée, falsifiée" de la réalité, martèle le conseil, joint par l'AFP.

"On est en droit d'attendre d'un service public autre chose qu'une mise en scène et une dramatisation", estime encore l'avocat, espérant "une condamnation ferme de ce travail journalistique indigne du code de déontologie des journalistes", "volontairement commis de mauvaise foi", selon lui.

L'enquête-portrait faisait également mention d'une "prétendue corruption pour l'attribution d'une concession portuaire à Kribi en 2015. (...) De tels propos sont parfaitement inadmissibles", estime Me Baratelli.

Me Juliette Félix, qui défend les intérêts de France Télévisions, vante au contraire "la très grande qualité de l'enquête de Tristan Waleckx", dénonçant "une procédure-bâillon". "En témoigne le montant des dommages et intérêts réclamés" par Vincent Bolloré, soit "450.000 euros".

Devant le tribunal de commerce de Paris, ce sont 50 millions que l'homme d'affaires a réclamés la semaine dernière dans une procédure connexe pour atteinte à ses intérêts commerciaux. La décision est attendue le 12 juin dans ce volet.

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