(Actualisé avec contexte, analyse §12 §§16-18)

ADDIS-ABEBA, 21 janvier (Reuters) - Environ 200 soldats de l'armée érythréenne, appuyés par deux chars, ont encerclé lundi le siège du ministère de l'Information à Asmara, la capitale, et réclamé la libération de tous les détenus politiques, a-t-on appris auprès des services de renseignement érythréens.

Les soldats n'ont cependant pas demandé le départ du président Isaias Afewerki, âgé de 66 ans, au pouvoir depuis que l'Erythrée, jusqu'alors éthiopienne, a acquis son indépendance en 1991, officialisée par référendum en 1993.

Les mutins ont forcé le directeur de la radio-télévision nationale à lire un communiqué à l'antenne "pour demander que le gouvernement relâche tous les prisonniers politiques", a dit une source proche des services de renseignement, sous couvert d'anonymat.

Des diplomates basés dans la région ont précisé que la diffusion de la télévision d'Etat s'était arrêté après la lecture du communiqué et que les soldats mutins, qui ne sont pas issus des rangs les plus élevés de l'armée, pourraient avoir pris le contrôle d'autres bâtiments.

Le gouvernement n'a pas commenté la situation.

Le nombre de détenus politiques en Erythrée était estimé l'an dernier entre 5.000 et 10.000 par les Nations unies, qui accusent le gouvernement d'Asmara de mener des exécutions sommaires et des actes de torture.

Les informations sont difficiles à confirmer, car les journalistes étrangers sont rarement autorisés à accéder à l'Erythrée, l'un des pays les plus fermés d'Afrique.

Des opposants au Front populaire pour la démocratie et la justice, le seul parti légal, ont fait état d'une contestation de plus en plus importante au sein de l'armée.

L'Erythrée, dont la population ne compte que six millions d'habitants, dispose de la deuxième armée du continent africain.

RESSOURCES AURIFÈRES

"Les problèmes économiques se sont aggravés, ce qui a dégradé les relations entre le gouvernement et les soldats au cours des derniers mois et semaines", explique un opposant réfugié en Ethiopie.

Des diplomates ont appris à Reuters qu'un soldat avait tenté d'assassiner le président Isaias Afewerki en 2009.

Le PIB annuel par habitant du pays est inférieur à 415 euros par habitant, malgré d'importantes ressources aurifères, exploitées par Sunridge Gold, Nevsun Resources et Chalice Gold.

Depuis la guerre qui a opposé l'Erythrée et l'Ethiopie entre 1998 et 2000, les relations restent tendues entre les deux Etats, car Addis-Abeba affirme qu'Asmara soutient et finance des rebelles sur son territoire.

Le Conseil de sécurité de l'Onu a par ailleurs décrété un embargo sur les armes à destination et en provenance de l'Erythrée, l'accusant de financer et d'armer les rebelles islamistes des Chabaab en Somalie.

Asmara dément toutes ces accusations et accuse les Etats-Unis de chercher à chasser du pouvoir Isaias Afewerki, décrit par la diplomatie américaine comme un "dictateur déséquilibré", selon un message révélé par le site Wikileaks en 2009.

D'après la présidence érythréenne, les Etats-Unis, alliés de l'Ethiopie, auraient notamment fait circuler des rumeurs sur une dégradation de l'état de santé d'Isaias Afewerki.

"Isaias, malade ou non, est quelqu'un de rusé qui a survécu à beaucoup de choses et ce serait une erreur de faire prématurément une croix sur lui", prévient J. Peter Pham, directeur de l'Ansari Africa Center, un cercle de réflexions basé à Washington.

"D'un autre côté, la crise économique a peu de chances de s'améliorer et son aggravation a forcément un effet sur les relation entre la dictature et les forces qui la maintiennent au pouvoir", ajoute-t-il. (Aaron Mashoo avec Tesfa Alem Tekle à Mekele, Pascal Liétout, Guy Kerivel et Julien Dury pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief)