ZURICH/FRANKFURT (dpa-AFX) - Les marchés financiers restent inquiets après le rachat difficilement négocié du Crédit Suisse en difficulté par la grande banque suisse UBS. Les principales bourses asiatiques ont majoritairement baissé lundi. L'indice directeur allemand Dax a également commencé la séance avec des baisses. Les actions de la Deutsche Bank et de la Commerzbank ont notamment perdu beaucoup de valeur.

Tant l'accord de plusieurs milliards de dollars en Suisse que les mesures prises par plusieurs banques centrales pour alimenter le système financier en liquidités n'ont pas permis de dissiper les craintes d'une crise bancaire. Le moral des banques reste fragile et les investisseurs ont continué à se retirer. L'euro a peu réagi lundi matin. L'or, en revanche, a nettement progressé : l'incertitude persistante sur les marchés financiers a poussé le prix de l'or au-dessus de la barre des 2000 dollars américains lundi, pour la première fois depuis longtemps.

Pour les banques et les assureurs, une nouvelle journée agitée se profilait avec des pertes de cours après le "sauvetage d'urgence" du Crédit Suisse. En Suisse, l'action du Credit Suisse elle-même s'est effondrée de plus de 60% à 0,697 franc avant l'ouverture de la bourse. Les titres UBS ont perdu environ 14 pour cent. Les actions de la Deutsche Bank ont chuté de plus de 9% et celles de la Commerzbank de plus de 7%.

L'incertitude est venue du fait que les détenteurs d'obligations assimilables à des fonds propres du Crédit Suisse devraient perdre l'intégralité de leur investissement dans le cadre de la reprise. Il s'agit d'obligations AT1 d'un montant de 16 milliards de francs suisses (16,2 milliards d'euros), comme Credit Suisse et l'autorité de surveillance financière Finma l'ont annoncé dimanche.

La Deutsche Bank ne se sent toutefois guère concernée. Le groupe du Dax a une exposition "quasi nulle" à ces obligations du Credit Suisse, a déclaré lundi un porte-parole. Selon un porte-parole, Commerzbank n'a pas du tout investi d'argent dans les obligations AT1 de sa rivale suisse.

UBS rachète sa petite rivale locale pour trois milliards de francs suisses (un peu plus de 3 milliards d'euros). En outre, elle assume des pertes pouvant aller jusqu'à cinq milliards de francs. A cela s'ajoutent une garantie de perte de l'Etat de 9 milliards de francs et des promesses de liquidités pouvant atteindre 200 milliards de francs.

La Banque nationale suisse (BNS) soutient l'opération en fournissant des liquidités et en accordant aux banques un prêt pouvant atteindre 100 milliards de francs. En outre, la BNS pourrait accorder au Crédit Suisse un prêt d'aide à la liquidité d'un montant maximal de 100 milliards de francs, garanti par une garantie de bonne fin de la Confédération. Le gouvernement suisse a assuré à l'UBS une garantie de 9 milliards de francs. D'autres banques centrales ont salué ces mesures.

L'acquisition du Credit Suisse, deuxième banque suisse, par la plus grande UBS est la fusion bancaire la plus importante en Europe depuis la crise financière d'il y a 15 ans. Elle signifie la fin du Credit Suisse, vieux de 167 ans, dont le siège social se trouve en face de sa concurrente UBS sur la Paradeplatz à Zurich. Elle fait suite à des négociations marathon auxquelles ont participé les deux banques ainsi que des représentants de haut niveau du monde politique et des autorités de surveillance. L'objectif de l'Etat et des autorités de surveillance était d'éviter un embrasement général.

Le gouvernement suisse à Berne a été soumis à une pression considérable pour stabiliser la situation et soutenir le Credit Suisse. En effet, le Credit Suisse est l'un des plus grands gestionnaires de fortune au monde et fait partie des 30 banques d'importance systémique mondiale dont la défaillance ébranlerait le système financier international.

Le président de la Confédération suisse, Alain Berset, a déclaré que "le Conseil fédéral est convaincu que la reprise est la meilleure solution pour rétablir la confiance". Le Credit Suisse a perdu la confiance de ses clients, la liquidité devait être garantie. La transaction est importante pour la stabilité de la place financière suisse, a-t-il ajouté. Le président de la BNS, Thomas Jordan, a souligné que la réputation était essentielle pour l'économie suisse.

La ministre des Finances Karin Keller-Suter a déclaré que la Confédération avait accordé la garantie de 9 milliards de francs suisses pour couvrir les risques du Credit Suisse. "Les contribuables n'ont que peu de risques" - tout autre scénario aurait entraîné des coûts plus élevés. On a un partenaire privé et une banque solide qui reprend le Credit Suisse. Il ne s'agit pas d'un sauvetage public, a souligné la ministre. Le gouvernement fédéral n'a fait que fournir une garantie.

Le président du conseil d'administration d'UBS, Colm Kelleher, a parlé d'une énorme opportunité pour UBS. Selon lui, la combinaison des deux banques renforce sa position. L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a salué la solution d'acquisition ainsi que les mesures prises par la Confédération et la Banque nationale suisse (BNS). Le Credit Suisse présentait un risque d'insolvabilité, même si la banque restait solvable, a-t-on ajouté.

Le Credit Suisse a récemment souffert d'une perte de confiance considérable de la part des investisseurs. Le cours de l'action avait chuté à un niveau record après que le principal investisseur de la banque eut exclu de lui fournir des capitaux supplémentaires et que l'établissement eut continué à faire face à des sorties de fonds.

Selon UBS, la fusion en un nouveau géant du secteur devrait donner naissance à un établissement financier dont les actifs sous gestion s'élèveront à plus de 5 000 milliards de dollars. Aucune déclaration ne peut être faite sur d'éventuelles suppressions d'emplois, a-t-on appris dimanche soir. Ensemble, les deux établissements emploient environ 120 000 personnes.

Le total du bilan d'UBS, qui emploie plus de 72 000 personnes, s'élevait en 2022 à l'équivalent de 1 030 milliards d'euros, celui du Credit Suisse, qui emploie plus de 50 000 personnes, à l'équivalent de 535,44 milliards d'euros. UBS a réalisé un bénéfice de 7,6 milliards de dollars (actuellement 7,07 milliards d'euros) en 2022. Le Credit Suisse a en revanche affiché une perte de 7,3 milliards de francs (7,4 milliards d'euros)./mrd/oe/stw/DP/stk