Zurich (awp) - La reprise forcée de Credit Suisse par UBS annoncée dimanche soir faisait froncer plus d'un sourcil d'analyste lundi. Entre garanties étatiques, entorse au droit de la concurrence, violation de celui des actionnaires, incompatibilité culturelle, dégât d'image pour la place financière, les désavantages que présentent ce mariage hors norme pour les acteurs du marché sont multiples.

Le premier grief relevé par les observateurs est que la transaction n'est pas le fruit de la volonté des deux protagonistes, mais a été imposée par les autorités. "La fusion entre Credit Suisse et UBS, qui n'était pas forcément volontaire, a permis d'écarter le risque systémique et d'éviter un incendie généralisé comme en 2008", relève par exemple Christian Henke, pour IG.

Mais si l'opération a été saluée par la Banque centrale européenne (BCE) et son homologue britannique (BoE), l'enthousiasme des détenteurs de capitaux en revanche est loin d'être unanime, et les acteurs du marché sont maintenant dans l'expectative du prochain "candidat vacillant".

"Les inquiétudes concernant un risque systémique dans le secteur bancaire persistent après que le rachat confirmé de Credit Suisse par UBS n'a pas réussi à rétablir la confiance", abonde Pierre Veyret, analyste chez Activtrades, notant que la crise bancaire continue à peser sur le moral des investisseurs.

Les experts de Jefferies qualifient de "bonne nouvelle" l'accord qui a trouvé, au vu d'alternatives qui auraient été encore pires pour le secteur, comme une nationalisation de Credit Suisse ou une faillite pure et simple. Ils restent néanmoins choqués par le fait que les actionnaires d'UBS n'aient pas été consultés au préalable.

Les USA à nouveau dans le viseur

Plus conciliant, son confrère de Flowbank, Paul de la Baume, estime que l'accord conclu entre UBS et Credit Suisse, bien que controversé, est de nature à rassurer les marchés. Selon lui, l'attention se porte désormais de nouveau sur les Etats-Unis, où les investisseurs attendent des mesures visant à écarter le risque d'insolvabilité de la First Republic.

Clemens Bundschuh, de la banque LBBW estime quant à lui que l'action concertée de la Banque nationale suisse (BNS), l'Autorité de surveillance des marchés financiers, les banquiers et le monde politique, ont permis de mettre fin à la spirale infernale qui a mis à mal la plus importante devise du secteur bancaire, à savoir la confiance.

Pour Andreas Venditti, de Vontobel, la transaction a certes permis d'éviter la déroute de Credit Suisse, et ce à un prix très avantageux pour UBS et la garantie des deniers publics pour éponger - en partie - d'éventuelles pertes et disposer de liquidités. "Il y a cependant de nombreuses inconnues et des risques considérables", signale l'analyste, qui affirme que les turbulences qui affectent le secteur bancaire ne sont pas terminées.

Le rachat de Credit Suisse pourrait s'avérer très intéressant à long terme, mais en attendant que la poussière retombe, il y a de grandes incertitudes quant aux revenus futurs, expliquent les experts de Keefe, Bruyette & Woods (KBW). De plus, en raison de la transaction, UBS va suspendre ses programmes de rachat d'actions, très prisés des investisseurs.

Après un franc scepticisme dans les premiers échanges, ces derniers semblaient revenus à de meilleurs sentiments. A 14h55, l'action Credit Suisse s'échangeait à 88 centimes, en repli certes de plus de moitié (-53%) par rapport à son cours de clôture de vendredi, mais au-dessus du prix de 76 centimes proposé par UBS et sous lequel elle avait ouvert.

La nominative UBS également vivait une séance mouvementée. Après une ouverture en net repli et un plongeon à 14,38 francs suisses, proche de son plus bas d'octobre, le titre s'est repris et est repassé du bon côté de la barre vers 13h45. Un peu plus d'une heure plus tard, il pointait à 18,05 francs suisses, en hausse de 5,5% et largement en tête d'un SMI gagnant 0,35%.

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