Washington (awp/afp) - La Banque centrale américaine (Fed) gardera sans doute sa boîte à outils close lors de sa première réunion de l'année, mardi et mercredi, une semaine après l'arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden, qui a choisi son ancienne présidente Janet Yellen pour diriger le Trésor.

Finis les tweets assassins de Donald Trump contre les "crétins" d'une Fed qualifiée de "pitoyable" et d'"incompétente". Finies les invectives contre son président accusé de faire ralentir la croissance économique. La Fed devrait retrouver des relations plus traditionnelles avec l'administration au pouvoir, et ne plus devoir montrer les crocs pour protéger son indépendance.

Joe Biden a "beaucoup de respect pour la Réserve fédérale et le rôle qu'elle joue", a assuré la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, prenant le contre-pied du président précédent.

Et surtout, les membres de la Fed retrouveront sans doute une figure bien connue parmi leurs interlocuteurs privilégiés: leur ancienne présidente de 2014 à 2018, Janet Yellen, devrait devenir secrétaire au Trésor, l'équivalent du ministre de l'Economie et des Finances. Sa nomination doit encore être approuvée par le Sénat, mais l'issue positive fait assez peu de doute.

"Implicitement, cela crée une alliance assez forte entre la Fed et le Trésor", a expliqué à l'AFP Gregory Daco, analyste pour Oxford Economics.

Et cela devrait, selon lui, être bénéfique: "avoir deux groupes de personnes qui ont une vision similaire de l'avenir économique des Etats-Unis va aider à avoir une coordination plus approfondie, plus positive".

"Fixé leur cap"

Même si l'ancien secrétaire au Trésor Steven Mnuchin et Jerome Powell, le patron de la Fed, saluaient régulièrement leurs bonnes relations de travail, le torchon a brûlé entre les deux instances, dans les dernières semaines de la présidence lorsque l'administration Trump a voulu écourter les programmes d'aide de la Banque centrale.

Dans l'immédiat, aucune action de la Fed n'est attendue à l'issue de sa première réunion monétaire de 2021. Les taux sont déjà à zéro, et Jerome Powell a récemment dit que l'institution ferait "savoir au monde en avance" quand le moment de réduire ses achats d'actifs sera venu.

"Je pense qu'ils ont fixé leur cap assez clairement", a déclaré à l'AFP Stephanie Aaronson, vice-présidente de la Brookings Institution et ancienne économiste à la Fed. "Je serais surprise si cela changeait au cours du printemps."

La Banque centrale américaine a, depuis le mois de mars, déployé un nombre inédit d'outils monétaires, et en a même créé plusieurs.

Elle avait commencé par abaisser les taux en urgence, avant d'abreuver le marché en liquidités pour éviter qu'une crise financière ne vienne s'ajouter aux crises sanitaire et économique, et a mis en place avec le Trésor des programmes de prêts pour les entreprises.

"Se retirer de l'oeil public"

Près de 16 millions d'Américains vivent actuellement grâce aux allocations chômage, et le Covid-19 restreint toujours fortement l'économie.

Les responsables de la Fed ont, à maintes reprises, renvoyé la balle dans le camp de l'administration Trump et du Congrès, insistant sur l'importance de nouvelles aides du gouvernement fédéral pour éviter que le pays ne s'enfonce plus avant dans la crise, et pour soutenir la reprise.

Joe Biden a présenté un programme d'urgence de 1.900 milliards de dollars, qui sera suivi d'un plan de relance destiné à créer des "millions d'emplois bien payés" dans les infrastructures et les énergies vertes, notamment.

Tout cela va permettre à la Fed de s'accorder un peu de répit, et de "se retirer de l'oeil public", estime Gregory Daco, car si elle a été "extrêmement utile dans la première phase", elle n'a "pas les outils ni la capacité de subvenir aux besoins de l'économie".

La Fed devrait redevenir un "soutien (à l'économie) mais pas l'acteur principal", estime-t-il, expliquant que, depuis la crise financière de 2007-2008, l'institution "portait beaucoup plus qu'elle ne le pouvait en matière de soutien économique".

afp/rp