Le spécialiste de l'impression sécurisée annonçait hier un énième avertissement sur résultats, avec un profit d'exploitation pour 2023 projeté aux alentours de £20 millions au lieu de £40 millions initialement escomptés. 

Cette révision à la baisse découle d'un faible volume de commandes sur l'activité billets de banque, qui représente les trois quarts du chiffre d'affaires. En sus, l'activité passeports vivote sans impressionner. 

Les promesses de Clive Watcher, le directeur général arrivé en pleine débâcle durant la pandémie, retombent à plat :  les ambitions de croître "de 35% à 45%" sur les activités principales du groupe ne seront pas pour cette année... 

Ce n'est qu'une difficulté parmi d'autres pour De La Rue, qui fait face à un refinancement bancaire compliqué dans un contexte de remontée des taux, ainsi qu'à un problème récurrent de concentration du portefeuille client — qui lui a d'ailleurs valu une brouille avec son auditeur. 

Tous deux mettent en péril la solvabilité. Ceci sans même développer le problème d'une concurrence désormais pléthorique, et le déficit chronique du financement du plan de retraites. Pour couronner le tout, le fonds activiste Crystal Ambe milite pour une vente à la découpe du groupe, soutenant envers la position du conseil d'administration que la somme des parties vaut plus que l'ensemble — en clair, que le groupe vaut davantage mort que vivant.  

Entre 2012 et 2022, le chiffre d'affaires décline de £528 à £375 millions. La marge brute est divisée par deux, mais les cessions d'activité non-rentables ont permis de plus ou moins soutenir les marges d'exploitation.

La génération de cash est en revanche devenue problématique. Les résultats comptables — positivement gonflés par le produit des cessions d'actifs et des amortissements inférieurs aux investissements — ont coutume de surestimer la capacité bénéficiaire réelle du groupe.

En réalité, les opérations sont déficitaires depuis quatre ans. Du coup, le groupe brûle du cash et ne verse plus de dividende. Il a également du procéder à une augmentation de capital dans l'urgence début 2020, en plein choc de la pandémie, pour un cours par action perçu comme bas à l'époque, et pourtant deux fois supérieur aux niveaux où il se languit aujourd'hui. 

A £40 par action, la capitalisation boursière de £80 millions représente ce que De La Rue distribuait en dividendes en à peine trois ans de suite au début de la décennie. On mesure ici l'ampleur du désastre.

Le fait est que l'utilisation de l'argent liquide diminue de manière prononcée dans toutes les économies développées. Pour compenser, De La Rue est parti s'aventurer sur des marchés exotiques. Ses déboires au Venezuela — un pays où l'impression de billets tourne à plein régime, mais qui ne paie pas ses factures — ou au Sud-Soudan rappellent que l'exercice n'est pas toujours une promenade de santé. 

D'aucuns spéculeraient volontiers que le groupe représente une cible d'acquisition idéale. Peut-être, mais si tel était le cas — ce qui semble tout sauf évident — rien n'empêche un éventuel repreneur de d'abord le laisser déposer le bilan. 

A ce rythme, ce ne sera plus qu'une question de temps.