Francfort (awp/afp) - Après une année de pertes record, le géant du transport aérien Lufthansa voit la crise durer encore, signe de l'impact profond de la pandémie de Covid-19 pour l'ensemble du secteur, qui mise sur les vaccins et les tests pour redécoller.

Le premier groupe aérien européen, sauvé il y a quelques mois par le contribuable allemand, a annoncé jeudi une perte nette de 6,7 milliards d'euros pour 2020, un record. Il prévient que le résultat 2021 sera également dans le rouge avec toutefois une perte opérationnelle "plus faible".

Après le court répit estival, le trafic au ralenti tout l'hiver a d'ores et déjà plombé les perspectives pour cette année et le retour à la normale prendra du temps, prévient Lufthansa.

Le patron Carsten Spohr voit "une nette hausse de la demande à l'approche de l'été", en premier lieu sur le court-courrier, mais dont "l'ampleur dépendra au final de la disponibilité de tests et de vaccins" ainsi que de la vitesse de levée des restrictions de circulation.

L'indicateur phare, la capacité, c'est-à-dire le nombre de sièges offerts à la réservation, ajusté par la compagnie en fonction de la demande attendue, devrait atteindre 20% au premier trimestre et se situer entre 40% à 50% cette année, alors que M. Spohr espérait atteindre une moyenne de 60%, après 31% en 2020.

Passeport sanitaire

Lufthansa, qui regroupe les compagnies Swiss, Austrian Airlines et Brussels Airlines, doit atteindre un seuil de 50% pour couvrir ses frais et s'est préparé à mobiliser jusqu'à 70% de ses capacités pour le pic de l'été. Mais le groupe ne prévoit un retour à 90% de l'offre pré-pandémie que d'ici "le milieu de la décennie".

Un pessimisme qui fait écho à celui de l'association internationale du transport aérien (Iata): elle a raboté la semaine passée ses prévisions pour le trafic mondial, prévoyant pour cette année entre 33% et 38% de ce qu'il était en 2019.

Comme les autres dirigeants du secteur, M. Spohr plaide pour la mise en place rapide de passeports sanitaires permettant de voyager. "Nous avons besoin de certificats internationaux attestant d'une vaccination ou d'un test" pour "remplacer les quarantaines", a-t-il déclaré.

Un projet dans ce sens, le "passeport vert" numérique européen sera présenté par la Commission européenne le 17 mars, mais le sujet divise les Vingt-Sept.

Actuellement, 500 avions Lufthansa sur 800 restent cloués au sol.

A long terme, l'accoutumance aux réunions professionnelles à distance risque de perdurer et de faire reculer la part des voyages d'affaires, très rentables, poussant la compagnie à accélérer sa réorientation vers les destinations touristiques.

Coupes dans les emplois

Sur l'année, la quasi-totalité du tableau financier affiche des baisses inédites: -63% pour le chiffre d'affaires, à 13,6 milliards d'euros et -75% pour le nombre de passagers transportés (36,4 millions).

Seul record positif: la branche cargo, où les prix se sont envolés face à une demande galopante, et qui affiche un bénéfice d'exploitation de 772 millions d'euros contre un million en 2019.

Le groupe devrait "brûler" 300 millions d'euros par mois au premier trimestre, autant que sur les trois derniers mois de l'année 2020 -- nettement moins que la somme d'un million par heure qui avait marqué les esprits au plus fort de la crise sanitaire.

Pour éviter la faillite, Lufthansa a bénéficié en juin d'un vaste plan de sauvetage de 9 milliards d'euros du gouvernement allemand, qui est entré à son capital à hauteur de 25%.

Avec plus de 10 milliards d'euros de liquidités disponibles, le directeur financier Remco Steenbergen s'est dit "confiant" que le groupe soit "entièrement financé au moins pour l'année 2021 même si la reprise du secteur est en deçà des attentes actuelles".

En parallèle, Lufthansa traverse une vaste restructuration. près de 30.000 employés sur 140.000 ont déjà quitté la compagnie en plus d'accords avec les syndicats pour économiser plusieurs centaines de millions d'euros sur les charges salariales.

Le sort de 10.000 postes reste en suspens, conditionné à des mesures d'économies supplémentaires. Le groupe n'exclut pas des licenciements, notamment chez les pilotes, à l'expiration d'une garantie d'emploi début 2022. D'ici 2023, Lufthansa va également se séparer de 150 machines.

afp/rp