Ferrari évoque à elle-seule tout un pan de l’histoire de l’automobile. Enzo Ferrari fonde en 1929 la Scuderia Ferrari, une écurie de course pour le compte d’Alfa Romeo. En 1940, l’écurie commence à développer ses propres voitures de compétition. Mais comme de nombreux pairs, Ferrari a failli connaître la banqueroute, plombée par la vision du fondateur, qui souhaitait réserver l’usage de ses bolides aux sportifs chevronnés, plutôt qu’aux amateurs fortunés.

Cette politique aura précipité l’entrée au capital du groupe Fiat, qui a acquis 50% du constructeur en 1969 puis a porté sa participation à 90% à la suite du décès d'Enzo Ferrari en 1988. Son fils, Piero Ferrari, conserve une participation de 10%. En 2014, Fiat Chrysler annonce un spin-off afin de distinguer Ferrari de sa maison mère, principalement dans le but de récupérer de la liquidité. Depuis cette séparation, la famille Agnelli, par le biais de sa holding Exor, détient 24,44% de Ferrari, tandis que Piero Ferrari possède 10,39%. La célèbre marque au cheval cabré a choisi de se faire coter sur la plus grande place financière mondiale, New York. En 2023, sa capitalisation boursière s'élève à 55 milliards de dollars, supérieure à celle de son ancienne société mère, désormais intégrée au groupe Stellantis, avec une capitalisation de 53 milliards de dollars. Actuellement, Ferrari est la onzième entreprise la plus valorisée de l’industrie automobile.

Ferrari a franchi la barre des cinq milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022, grâce à un retour de croissance en 2021 -après une pause en 2020- dépassant son chiffre d'affaires de 2019. Ce chiffre d'affaires se décompose en quatre segments : la vente de voitures et de pièces détachées (pour 85,2% des revenus), les sponsors et les accords commerciaux liés à la Formule 1 qui contribuent quant à eux à hauteur de 9,4%, et enfin, les  ventes de moteurs et les autres revenus, qui sont plus minimes, avec respectivement 3% et 2,4% du CA.

Tableau de répartition du chiffre d’affaires de Ferrari (source : Annual Report)

Les revenus issus de la vente de voitures et de pièces détachées ont enregistré une augmentation de 18% en 2022, grâce à une augmentation du volume des ventes. Afin de séduire une clientèle diversifiée, allant des familles modérément aisées aux individus les plus fortunés de la planète, Ferrari propose quatre catégories de voitures. La première gamme constitue une porte d'entrée vers l'univers Ferrari, avec un prix de départ supérieur à 150 000 euros. Cette catégorie, composée de 10 modèles, représentait 96% des ventes en 2022. La gamme suivante correspond aux séries spéciales lancées ponctuellement, elle peut représenter jusqu'à 23% des ventes, comme en 2020 avec le modèle 488 Pista (2019). La plus haute marche de Ferrari est occupée par l'Icona et les supercars, des modèles très exclusifs vendus à des prix dépassant le million d'euros, qui représentent seulement un à deux pourcent des ventes, réservés aux clients les plus fidèles et fortunés.

 Catégorie de Ferrari 

Vente de voiture par catégorie

Au sein de la catégorie “vente de voitures et pièces détachées", la personnalisation des véhicules rapporte 18% des revenus : la marque propose des équipements supplémentaires ainsi qu’un service de couture personnalisé pour l'intérieur des véhicules. Ferrari cherche à créer des voitures uniques, répondant au standing de sa clientèle. Plus récemment, le projet  "One-Off" a été développé pour créer des modèles uniques à la demande des clients les plus fidèles de la marque. 


Différents niveaux de personnalisation

Côté géographie, l'Europe se positionne en tête avec 45,1% des ventes en 2022, l'Allemagne représentant à elle seule 10,9% de l'ensemble des ventes mondiales. L'Amérique arrive en deuxième position avec 26,1%, principalement grâce aux États-Unis, principal marché du continent. Viennent ensuite le Moyen-Orient avec 17,1% et l’Asie avec seulement 11,7%.

Les sponsors et les accords commerciaux liés à la Formule 1 -la seconde rentrée d'argent de Ferrari- ont rapporté plus de 479 millions d'euros en 2022. L'équipe dédiée bénéficie d'un traitement spécial en raison de son importance historique et du rayonnement lié à la Formule 1. Grâce aux contrats historiques signés par le groupe et à ses réussites sur les circuits, environ un cinquième des revenus totaux de l’industrie de la F1 reviennent au groupe. Bien qu'ils soient en hausse grâce à la popularité grandissante de la F1, entraînant une hausse du nombre de spectateurs et donc logiquement des revenus pour l'ensemble du secteur, ils restent soumis à des variations en fonction des performances de l'écurie de course.


La monoplace des rouges

Le troisième segment, représentant 3% du chiffre d'affaires en 2022, concerne la vente de moteurs Ferrari à d'autres marques de luxe de l'industrie automobile. Maserati est le principal client de Ferrari depuis le début des années 2000, mais cette collaboration prendra fin en 2023, car la marque au trident a décidé de se concentrer exclusivement sur les voitures hybrides. 

Les autres revenus, représentant 2,4% du chiffre d'affaires, sont principalement liés aux activités de services financiers, à la gestion de l'hippodrome du Mugello (célèbre circuit florentin) et à d'autres activités liées au sport.

Performance Financière

Ferrari, avec un chiffre d'affaires de cinq milliards d'euros en 2022, poursuit son ascension avec un taux de croissance annuel moyen de 13,8% au cours des trois dernières années. Les prévisions tablent sur un chiffre d'affaires de 6,7 milliards d'euros d'ici 2025.

Parmi les atouts du constructeur, se distinguent ses marges opérationnelles -les plus élevées de l'industrie- atteignant 24%, permettant ainsi de générer un flux de trésorerie opérationnel deux fois supérieur aux dépenses aux investissements (CAPEX). Selon les estimations, ces marges devraient augmenter de 4 points de pourcentage pour atteindre 28,5% d'ici 2025, principalement grâce à la personnalisation, un levier crucial pour l'avenir de l'entreprise, d'après les déclarations du directeur lors de la dernière conférence. Les marges nettes, quant à elles, sont également impressionnantes, s'élevant à 18,5%.

La rentabilité des capitaux propres (ROE) de Ferrari atteint un niveau exceptionnel de 38,3% en 2022, supérieur à celui de l’industrie automobile (18,7%) et du secteur du luxe (27,1%). Tandis que la rentabilité des actifs nets (ROA) s'élevait à 12,7% la même année. 

La valorisation de Ferrari reste élevée, car la valeur est perçue comme une marque de luxe plutôt qu’un constructeur automobile traditionnel. Cette forte valorisation est renforcée par la visibilité de sa croissance future. Au moment de la publication de cet article, le ratio cours/bénéfices (P/E) s'établit à 43,9x et la valeur d'entreprise/EBITDA (VE/EBITDA) à 23,7x. Quant au payout ratio, l’indicateur qui mesure la proportion des bénéfices nets distribués aux actionnaires par rapport à ceux réinvestis dans l'entreprise, il se situe à 25,3x. Cela donne à l’entreprise suffisamment de flexibilité pour rémunérer les actionnaires tout en réinvestissant dans de nouveaux projets.


Ferrari a lancé un programme de rachat d'actions d'une valeur de deux milliards d'euros jusqu'en 2026, en plus de ses dividendes réguliers. En 2023, le montant des dividendes s'élevait à 329 millions d'euros, soit 1,81 euro par action.

Maintenant place à la dette : Ferrari affiche une dette nette de 1,4 milliard d'euros. Si on examine les comptes, on constate que sa dette totale s'élève à 2,8 milliards d'euros, dont 1,49 milliard d'euros correspondant à une obligation à rembourser en 2025. L'autre dette de 1,1 milliard d'euros provient de titres de créance émis par les clients de Ferrari dans le cadre de leurs achats au détail ou de leurs contrats de leasing. Cette intermédiation bancaire permet à Ferrari de convertir ces dettes en liquidités immédiates plutôt que d'attendre les paiements échelonnés des clients. Ces liquidités peuvent ensuite être utilisées à diverses fins, telles que de nouveaux investissements, l'expansion des opérations ou le respect des obligations financières. Ainsi, la dette nette industrielle, c'est à dire les dettes uniquement liées à l'activité, de Ferrari s'élève à seulement 207 millions d'euros, grâce à la capacité du groupe de générer du Free Cash Flow -marge de 11%- permettant d'avoir une trésorerie de 1,4 milliard d'euros. 

Ferrari fait face à certains risques potentiels. Les dépenses en capital (CAPEX) sont cycliques, étant tributaires des innovations à intégrer dans les véhicules. À l'heure actuelle, l'industrie automobile connaît une transition majeure vers les véhicules hybrides et électriques, nécessitant des investissements accrus de la part des acteurs du secteur, y compris Ferrari.

A titre comparatif, voici un tableau regroupant les principaux concurrents de Ferrari coté en Bourse :


Le PER, si élevé, nous indique qu'il est essentiel de comprendre que cette entreprise va bien au-delà des chiffres. C'est un choix que les investisseurs doivent assumer. Soit ils croient que la marque Ferrari continuera de dominer le marché en augmentant ses ventes, auquel cas l'action a de l'intérêt. Soit ils pensent que les performances passées ne préjugent pas du potentiel futur, et dans ce cas, mieux vaut rester à l'écart.

En conclusion, Ferrari continue de se démarquer par rapport à ses rivaux, avec des résultats financiers solides, une croissance constante et une stratégie axée sur la personnalisation. Reste que la transition de Ferrari vers les véhicules hybrides et électriques sera un défi de taille, nécessitant d'importants investissements en recherche et développement.

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