Introduite sur le marché à l'été 2022 via un SPAC — quelques jours à peine avant que la bulle spéculative qui entourait ces douteux véhicules d'investissement ne se dégonfle ! — Getty reste contrôlée à hauteur de 40% du capital par les frères Koch et la firme Neuberger Berman, chacun avec un cinquième du capital. 

L'entreprise fut à l'époque valorisée par ses sponsors à $10 par action. Soit, dette nette inclue, une valeur d'entreprise de $4.8 milliards qui représentait un multiple de x15 le profit d'exploitation avant amortissements, ou EBITDA. Le cours bondit cependant dès l'introduction à $30 par action, avant de lamentablement retomber à $5 à partir d'octobre dernier — un plancher dont il ne s'est pas affranchi depuis.

Les résultats annuels, tout juste publiés, permettent de faire le point. Au niveau de la stratégie, sans surprise, l'ambition reste de pénétrer les marchés de la vidéo et des NFT. En marge des développements organiques, cela passera nécessairement par des — petites — opérations de croissance externe.

A ce jeu, Getty part désavantagé : Shutterstock génère plus de cash et n'a pas de dettes, tandis qu'Adobe Stock est soutenue par un groupe dont l'échelle et les ressources restent sans commune mesure. A noter que Shutterstock, lui aussi coté en bourse, a connu un parcours de croissance spectaculaire, avec un chiffre d'affaires multiplié par cinq en dix ans — quoique sa capacité à dégager des profits ait un peu patiné.

Moins bien capitalisé, Getty devra se montrer innovant et inventif. L'affaire n'est pas gagnée, quand bien même l'activité affiche de solides qualités : 450 000 contributeurs réguliers, autant de nouveaux clients par an, un bon potentiel de croissance parmi la clientèle corporate, et deux-tiers du chiffre d'affaires issu des contenus exclusifs à la plate-forme.

Getty déploie une intelligente stratégie d'acquisition-client en escalier : Getty Images assure le service haut-de-gamme, iStock l'offre "budget", et Unsplash le contenu gratuit, avec bien sûr moult incentives de réorientation vers les deux plates-formes payantes.

Niveau finances, l'historique est limité puisque la compagnie était privée jusqu'à l'an passé. Sur les trois derniers exercices, c'est-à-dire entre 2020 et 2022, Getty génère un chiffre d'affaires moyen de $900 millions et un profit cash — ou "free cash-flow" — moyen de $115 millions par an.

(Le free cash-flow est ici une mesure plus fiable de la capacité bénéficiaire puisque le résultat net est impacté par d'importants éléments non-cash, comme la revalorisation des warrants sur le dernier exercice.)

A $5 par action, soit $3.5 milliards de valeur d'entreprise, Getty s'échange à x30 ses profits, ainsi qu'entre x10 et x12 l'EBITDA, soit une valorisation autrement plus rationnelle que les niveaux de cours d'autrefois. 

Sur une note positive, on remarquera l'absence de délirants programmes de rémunération en stock-options.