New York (awp/afp) - Alors que les séances tumultueuses se succèdent à la Bourse de New York, la montée en puissance des programmes informatiques à Wall Street est de plus en plus accusée d'exacerber les difficultés, même si leur influence réelle reste évasive.

Qu'il s'agisse de stratégies d'investissement sophistiquées élaborées par des mathématiciens, de fonds se basant sur l'intelligence artificielle, de produits financiers reproduisant passivement les performances d'un indice boursier, ou juste de logiciels permettant d'acheter ou vendre des actions, la nature même de ce courtage automatisé est difficile à cerner.

Pourtant, dès que les indices semblent succomber à un mouvement de panique, les acteurs du marché montrent régulièrement du doigt les algorithmes.

Les machines tendent à réagir immédiatement et toutes dans le même sens aux indicateurs, aux commentaires de responsables politiques ou monétaires ou à un seuil technique, sans prendre le temps d'en analyser les nuances comme peuvent le faire des humains, font-ils valoir.

Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a, dans une récente interview à Bloomberg, imputé le récent regain de volatilité à Wall Street entre autres au courtage à haute fréquence, qui permet de vendre ou acheter des actions en une fraction de seconde.

Le recours aux machines s'est indéniablement étendu.

Selon les données du cabinet de recherche Tabb Group, les fonds d'investissement guidés par l'analyse d'importantes bases de données représentent désormais 28,7% du volume des échanges aux Etats-Unis. Ils ont plus que doublé en cinq ans et ont pour la première fois en 2017 dépassé les volumes générés par les investisseurs particuliers.

Dans une note publiée en septembre, le stratège vedette de JPMorgan Marko Kolanovic estimait que seulement un tiers de l'argent placé en Bourse était désormais géré de manière active, et que seuls 10% des volumes échangés chaque jour concernaient l'achat ou la vente délibérés d'actions spécifiques.

'Crash éclair'

Mais, si l'essor du courtage automatisé est réel, il n'est pas forcément à l'origine du regain d'agitation sur les marchés.

Au contraire, affirme même Larry Tabb, fondateur de Tabb Group.

Une grande partie du courtage automatique vise à repérer les imperfections du marché, les actions qui coûtent beaucoup plus ou beaucoup moins cher que leurs pairs, et à en profiter. Ce faisant, "la plupart des modèles atténuent, plutôt qu'ils n'accentuent, la volatilité", assure-t-il.

La fragmentation du marché en de multiples places boursières a pu, reconnaît M. Tabb, réduire le volume des ordres passés sur chacune d'entre elles. Et ces derniers sont effectués beaucoup plus rapidement.

Conséquence: la liquidité, la capacité à acheter ou à vendre rapidement les actifs qui y sont cotés, peut diminuer, "ce qui facilite la création de trous d'air quand un ordre mal avisé crée un crash éclair", souligne-t-il. Mais c'est pour cela que les coupe-circuits, qui interviennent quand une action ou un indice affiche des mouvements trop brutaux, ont été développés, assure-t-il.

Sinon, "le marché reste réglé par l'offre et la demande, comme cela a toujours été le cas, mais à un rythme plus rapide."

Certains fonds de placement spécifiquement paramétrés pour suivre la tendance peuvent accentuer un mouvement, dans un sens ou dans l'autre.

Conçus selon des critères similaires par des spécialistes d'ingénierie financière, "ils déclenchent souvent des ordres d'achat ou de vente aux mêmes seuils", remarque Peter Hahn de la société d'analyse Bridgeton Research Group. "Les flux d'échanges, que collectivement ils entraînent, peuvent perturber l'évolution des prix, des écarts et des niveaux de volatilité", estime-t-il.

Mais, ajoute M. Hahn, leur impact sur le marché dépend de la situation. Ils peuvent aussi juste suivre une tendance déclenchée par des facteurs fondamentaux, comme un mauvais chiffre sur l'économie ou des résultats d'entreprises décevants.

Pour Marko Kolanovic, le déclin des stratégies d'investissement délibérées et basées sur une analyse approfondie des entreprises face à la montée des stratégies d'investissement passives et suivant la tendance a réduit la quantité d'argent "immédiatement disponible pour acheter des actions moins cher" quand les cours reculent.

Cela, estime-t-il, "réduit la capacité du marché à empêcher, et à se remettre, de lourdes chutes."

afp/fr