par Amanda Ferguson et Natalie Thomas

BELFAST, 3 février (Reuters) - L'Assemblée nord-irlandaise s'apprête à élire pour la première fois samedi une nationaliste du Sinn Fein à la tête de son gouvernement autonome, une étape historique pour la province britannique dominée pendant des décennies par les unionistes.

La promotion de Michelle O'Neill illustre la popularité croissante dont bénéficie son parti sur l'ensemble de l'île.

Vainqueur des élections nord-irlandaises en mai 2022, la formation nationaliste estime désormais que son rêve ultime d'une Irlande unifiée est "à portée de main", même si les sondages montrent qu'une majorité claire des Nord-Irlandais reste favorable au maintien de la province au sein du Royaume-Uni.

L'élection par l'assemblée régionale de Michelle O'Neill au poste de "First Minister", prévue vers 13h00 GMT, a été rendue possible par la décision du Parti unioniste démocrate (DUP), annoncée en début de semaine, de mettre fin à deux années de boycott de l'exécutif régional. Ce dernier fonctionne selon un système de partage du pouvoir en vertu de l'accord d'avril 1998 qui a mis fin en grande partie à trente années de conflit dans la province.

Outre la nomination de Michelle O'Neill, le Parlement de Stormont devrait également examiner une possible révision des règles qui permettent au plus important parti unioniste ou nationaliste de geler le système de partage du pouvoir sur de longues périodes. Depuis sa création en 1998, le gouvernement autonome a été suspendu presque autant de temps qu'il a siégé.

Les gouvernements britannique et irlandais se sont dits ouverts à une réforme du mode de fonctionnement nord-irlandais une fois que l'exécutif régional sera de nouveau actif.

Le "First Minister" dispose des mêmes pouvoirs que le "deputy First Minister", issu du DUP, mais le symbole est important.

Agée de 47 ans, Michelle O'Neill, tout comme la présidente du Sinn Fein Mary Lou McDonald, 54 ans, représente une nouvelle génération de responsables du parti nationaliste qui n'ont pas été impliqués dans les "troubles" qui ont ensanglanté l'Ulster entre 1968 et 1998.

Ancienne branche politique de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), le Sinn Fein a longtemps été tenu à distance par les autres formations irlandaises de part et d'autre de la frontière. Il est désormais le parti le plus populaire en République d'Irlande à l'approche des élections législatives prévues l'an prochain.

Même si le parti nationaliste a de nouveau évoqué cette semaine la perspective d'une unité irlandaise, l'organisation d'un référendum sur la question est du ressort du gouvernement britannique à Londres.

De plus, tous les responsables politiques nord-irlandais sont avant tout sommés par les électeurs de s'attaquer aux problèmes du quotidien, alors que la paralysie du gouvernement autonome pendant deux ans a pesé sur des services publics déjà à bout de souffle.

Interrogée par Reuters, la juriste Tara Walsh résume le sentiment général dans les rues de Belfast : "Ils en ont marre. Les gens veulent du changement." (Rédigé par Padraic Halpin, Jean-Stéphane Brosse pour la version française)