par Libby George et Marc Jones

LONDRES, 31 juillet (Reuters) - Israël risque de subir des dégradations de sa notation financière, une baisse des investissements étrangers et un affaiblissement du secteur technologique si les tensions provoquées par le projet controversé de réforme de la justice continuent, mettent en garde investisseurs et analystes.

Le Parlement israélien a approuvé il y a une semaine une première mesure de la réforme judiciaire portée par le gouvernement ultra-conservateur de Benjamin Netanyahu, qui restreint la capacité de la Cour suprême à annuler certaines décisions gouvernementales qu'elle jugerait "déraisonnables".

Ce vote a conduit des milliers de personnes à manifester. Le shekel a perdu plus de 2% face au dollar dans les jours qui ont suivi, ce qui porte son repli à plus de 9% depuis janvier. L'indice MSCI Israël sous-performe les principales boursiers mondiales, comme l'indice MSCI All Country World.

"Le principal problème pour les investisseurs étrangers qui s'intéressent à Israël en ce moment est l'incertitude", a déclaré Hamish Kinnear, analyste en chef chez Verisk Maplecroft. "Il n'y a pas de perspective claire. Tant que ce sera le cas, l'économie israélienne restera un point d'interrogation".

Jusqu'à la fin du mois de juin, cependant, les investissements étrangers dans les actions israéliennes sont restés solides, selon les données de Copley Fund Research.

Le pourcentage de fonds mondiaux exposés à Israël s'élevait à 35,5%, le plus élevé depuis 2017, tandis que le pays a connu la plus forte augmentation de nouveaux investissements depuis le début d'année (+3,44%).

Hamish Kinnear, de Maplecroft, estime que l'inflation relativement faible par rapport à des pays au profil similaire avait stimulé l'investissement, mais que de nouveaux mouvements sociaux pourraient faire dérailler les rentrées d'argent.

Le produit intérieur brut devrait augmenter d'environ 2,5% cette année et de 3% en 2024, mais pourrait n'être que de 1,0% et 1,6% respectivement si les tensions ne sont pas maîtrisées, a averti Morgan Stanley.

"Israël reste un pays fondamentalement très attractif pour l'investissement. Le problème est que ce gouvernement - plus il poursuit cette réforme judiciaire, plus il va saper cette réputation", a déclaré Roger Mark, analyste chez le gérant de fonds Ninety One.

Il a indiqué que de nombreux investisseurs, ainsi que les principales agences de notation, s'attendaient à ce que le gouvernement édulcore davantage sa réforme. Alors que cette perspective semble désormais peu probable, les investisseurs pourraient s'écarter de l'économie israélienne.

PROBLÈMES DANS LA "TECH"

La grande inquiétude est que les bouleversements pourraient faire chuter les investissements dans le secteur technologique israélien, qui représente près d'un cinquième du PIB national, plus de la moitié des exportations et un quart des recettes de l'impôt sur le revenu.

Depuis plus d'une décennie, la haute technologie est le secteur qui connaît l'expansion la plus rapide du pays, avec des innovations dans la cybersécurité et l'intelligence artificielle notamment.

Selon une enquête récente de l'Autorité israélienne de l'innovation, l'incertitude du climat des affaires a incité jusqu'à 80% des nouvelles start-up israéliennes à s'enregistrer à l'étranger jusqu'en mars, soit une hausse de 20% par rapport à 2022, et les levées de fonds des entreprises technologiques ont déjà chuté de 65% au deuxième trimestre.

Le contrecoup de la réforme "menace de pousser l'économie sur la voie d'une croissance durablement plus faible", a écrit dans une note Nicholas Farr, économiste chez Capital Economics.

DES NOTATIONS REMISES EN QUESTION

La cote de crédit du pays fait également l'objet d'un examen minutieux, les trois grandes agences de notation mondiales, S&P Global, Moody's et Fitch, ayant fait part de leurs préoccupations quant à l'orientation de la politique du gouvernement.

S&P a averti en mai qu'elle pourrait abaisser la note AA- d'Israël "si les risques politiques régionaux ou nationaux s'intensifiaient fortement, déprimant les paramètres économiques, fiscaux et de balance des paiements d'Israël".

Fitch, dont la note est à A+, a indiqué que les changements judiciaires en cours pourraient avoir un "impact négatif sur le profil de crédit" en affaiblissant les indicateurs de gouvernance, l'élaboration des politiques et en nuisant au sentiment des investisseurs.

"Je ne serais pas surpris que les notes ou au moins les perspectives soient abaissées", a déclaré Natalia Gurushina, chef économiste des marchés émergents chez VanEck. "La nouvelle législation pourrait conduire à une détérioration institutionnelle significative et potentiellement affecter les entrées de capitaux dans des domaines tels que le secteur technologique".

(Version française Laetitia Volga, édité par Kate Entringer)