PARIS (Reuters) - La FNSEA a refusé vendredi de participer au grand débat qu'Emmanuel Macron prévoit d'organiser pour tenter d'apaiser la colère du monde agricole à l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris, une initiative qualifiée de cynique par le premier syndicat du secteur alors que la "tension est grande".

L'Elysée a fait savoir jeudi que le président de la République comptait débattre pendant plusieurs heures samedi matin au parc des expositions de la porte de Versailles avec des agriculteurs, des distributeurs, des industriels et des organisations de défense de l'environnement.

Une information selon laquelle le collectif des Soulèvements de la Terre avait été convié à débattre a suscité la colère d'Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), qui a dénoncé jeudi sur X une "provocation inacceptable".

L'Elysée a fait savoir dans la soirée que les Soulèvements de la Terre n'étaient pas conviés afin de "garantir la sérénité des débats" et vendredi, dans une "clarification" postée sur son compte X, la présidence a admis "une erreur faite lors de l'entretien avec la presse en amont de l'événement".

Avant cela, Arnaud Rousseau a maintenu, dans une interview à BFM TV, son refus de participer au débat. "Je ne serai pas l'acteur de quelque chose que je considère comme cynique", a-t-il déclaré. "Au moment où je vous parle, les conditions du dialogue ne sont pas réunies (...) tant la tension est grande."

Arnaud Rousseau a dit ne pas avoir "compris ce qui a prévalu à ce genre de décision". "On ne peut pas tout tolérer (...) et la manière ou le cynisme qui ont prévalu à cette espèce d'organisation, nous ne la comprenons pas. La politique, c'est autre chose que de la com' ou du show", a-t-il déclaré.

"Dans le moment dans lequel on est, ça renvoie l'image aux agriculteurs que finalement, rien n'a été compris de leur problématique et nous en sommes d'autant plus furieux que nous avons contribué à ce travail, nous avons été au rendez-vous des propositions (...) et donc ce qui se passe est absolument incompréhensible", a poursuivi le président de la FNSEA.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a tenté en vain de dissoudre l'an dernier les Soulèvements de la Terre après les violences entre forces de l'ordre et manifestants protestant contre un projet de "méga-bassine" à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Le décret de dissolution a été annulé par le Conseil d'Etat en novembre dernier.

"Arnaud Rousseau a fait pression pour ne pas se retrouver face à nous et Macron s'est couché", a réagi le collectif sur X. "Qu'il soit rassuré : nous n'aurions pas participé à cette supercherie, mais merci pour le spectacle !"

Interrogé sur TF1, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a regretté une invitation "inopportune" d'un collectif "dont le mode d'expression est plutôt le cocktail Molotov".

"J'espère (que le débat puisse avoir lieu)", a ajouté le ministre. "On va y travailler, je ne suis pas aveugle, j'ai entendu ce que dit la FNSEA", a-t-il dit.

Le gouvernement a multiplié ces dernières semaines les annonces de mesures de soutien au monde agricole qui manifeste, en France comme en Europe, pour des revenus plus élevés et de meilleures conditions de travail.

Les agriculteurs français ont levé début février les barrages qu'ils avaient dressés sur les grands axes routiers de l'Hexagone mais ils continuent de vouloir faire entendre leurs revendications et des actions sont prévues lors de la visite d'Emmanuel Macron au Salon, vitrine annuelle d'une profession inquiète pour son avenir.

Une cinquantaine de tracteurs ont entamé vendredi matin une opération escargot sur le périphérique parisien.

(Rédigé par Bertrand Boucey et Jean-Stéphane Brosse, édité par Blandine Hénault et Sophie Louet)