Stimulé depuis des semaines par la perspective d'un resserrement monétaire prolongé aux Etats-Unis, le billet vert s'est apprécié mardi jusqu'à 150,16 yens, au plus haut depuis octobre 2022. Mais presque aussitôt le dollar est tombé à pic à moins de 147,5 yens, avant de rebondir vigoureusement. Vers 23H45 GMT le dollar s'échangeait pour 149,14 yens.

Le dollar est en pleine remontée face à la monnaie japonaise depuis février, alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) maintient une politique de taux élevés face à l'inflation tandis que la Banque du Japon (BoJ) garde à l'inverse son cap ultra-accommodant. Le billet vert avait déjà brièvement dépassé les 150 yens en octobre l'an passé. Il s'agissait alors du plus bas niveau de la monnaie japonaise face au dollar depuis 1990. Mardi, le dollar a franchi le seuil de 150 yens après l'annonce du nombre de postes vacants fin août aux Etats-Unis, qui a grimpé de façon inattendue, à 9,6 millions, selon les données publiées par le département du Travail dans son rapport JOLTS. Cela indique que les pénuries de main-d'oeuvre restent fortes.

Ces données "ont poussé les rendements des obligations américaines à la hausse", entraînant une progression du dollar, estime Michael Hewson, analyste de CMC Markets.

Tokyo répète son mantra habituel

L'activité manufacturière aux Etats-Unis, qui s'est améliorée au mois de septembre, dépassant les attentes des analystes, avait déjà dopé le dollar lundi. Ces récents chiffres pourraient aussi contribuer à inciter la Fed à décider d'une hausse supplémentaire de ses taux directeurs, explique à l'AFP Jane Foley, de Rabobank.

"Nous avons vu un fort mouvement à la hausse hier, et c'était simplement la peur d'une intervention (NDLR, de la Banque du Japon) qui maintenait jusqu'ici" le dollar "en dessous de 150 yens", indique l'analyste. Cette crainte a peut-être elle-même provoqué le vif repli du dollar après son dépassement des 150 yens. A moins que le Japon ne soit effectivement intervenu sur le marché des changes. Mercredi matin au Japon, le vice-ministre des Finances Masato Kanda a refusé de dire si, oui ou non, Tokyo était intervenu sur le marché des changes pour soutenir le yen.

M. Kanda s'est contenté de répéter que le Japon voyait d'un mauvais oeil tout "mouvement excessif" sur le marché des changes et qu'aucune option n'était exclue pour y faire face. Des avertissements exprimés quasi quotidiennement par Tokyo ces dernières semaines.

Des précédents l'an dernier

La faiblesse du yen est en partie positive pour l'économie japonaise, car elle rend les exportations nippones plus compétitives, gonfle artificiellement les bénéfices des entreprises du pays réalisés à l'étranger une fois rapatriés et rend les actions japonaises plus attractives auprès des investisseurs internationaux.

Mais ce mouvement de change renchérit en même temps les importations du pays et affaiblit le pouvoir d'achat des ménages nippons, ce qui oblige le gouvernement à tenter d'atténuer ces effets pervers avec des plans successifs de soutien à la consommation -- le prochain devant être dévoilé en octobre. Tokyo avait fini par sortir l'artillerie lourde en septembre-octobre 2022, avec plusieurs interventions sur le marché des changes pour défendre la monnaie nationale, alors que le dollar évoluait justement autour de 150 yens.

Pour la première fois depuis la crise asiatique en 1998, le Japon avait alors puisé plus de 60 milliards de dollars dans ses immenses réserves de devises pour les échanger contre du yen.

Si cette coûteuse manoeuvre avait été efficace à court terme, des analystes avaient fait valoir que la montée du dollar face au yen était inexorable tant que les politiques monétaires américaine et japonaise évolueraient dans des directions contraires. Cependant la BoJ continue de penser que les conditions ne sont pas encore réunies au Japon pour relever les taux, comme elle prévoit toujours un essoufflement de l'inflation et qu'elle doute encore de l'avènement d'un cycle durable de hausses des salaires. En outre, un relèvement précipité des taux au Japon pourrait être plus dangereux pour l'économie nationale voire mondiale -- et donc plus coûteux in fine -- que le maintien du statu quo monétaire, estime la BoJ.

afp/jh