Alors que la Livre Sterling comble progressivement le retard accumulé face au billet vert depuis le vote en faveur du Brexit, les clients américains se bousculent de moins en moins dans les boutiques d’Oxford Street ou le long des allées du grand magasin Harrods.

En effet, si la devise britannique surpasse ses principales concurrentes depuis le début de l’année, elle s’apprécie surtout face au Dollar US, pénalisé par le protectionnisme américain, en dépit d’une Réserve Fédérale lancée à pleine vitesse dans son cycle de resserrement monétaire.

Donald Trump et Steven Mnuchin, son secrétaire au Trésor, ont eu beau faire machine arrière en vantant les mérites d’un Dollar fort ou en affirmant que l’Amérique d’abord ne signifiait pas l’Amérique seule, les marchés réagissent davantage aux actes qu’à la parole. Ainsi les efforts de l’exécutif américain déployés en faveur de la balance commerciale de l’Oncle Sam sapent davantage les tentatives de rebond du billet vert.

Mais le Sterling profite plus généralement d’une pause dans les tractations avec Bruxelles, consécutive à une première salve d’accords sur le Brexit entérinés peu avant Noël dernier, ainsi que des espoirs autour d’une sortie en douceur, alimentés par la souplesse de la position de plusieurs Etats membres de l’UE, comme l’Espagne ou les Pays-Bas.

Enfin l’aspect technique a aussi joué un rôle de catalyseur, le trou de cotations béant laissé sur les graphiques GBP/USD le 24 juin 2016 contribuant à aspirer les cours dans la réalisation d’un comblement de gap, une configuration récurrente sur les marchés financiers (cf EUR/CHF par exemple).

Paradoxalement, la flambée du Pound, même si elle n’est pas équivalente face à l’Euro, pourrait soulager la Banque d’Angleterre, prise au piège depuis le référendum entre deux phénomènes contradictoires : une inflation galopante directement liée à la baisse de la monnaie (+3% sur un an au mois de décembre) et les mauvaises projections économiques imposées par un contexte très incertain. Cette marge de manœuvre supplémentaire devrait sans aucun doute convaincre les argentiers de sa Majesté de rester muets en 2018, le temps d’évaluer correctement la situation économique du pays et d’ajuster leurs prévisions.

Certes, jusqu’ici les indicateurs britanniques se portent bien, en particulier sur le front de l’emploi. Mais alors que nombre d’observateurs égarés ou populistes opiniâtres aiment nous répéter que Londres ne traverse finalement pas la récession annoncée, confondant volontiers l’issue du référendum et une sortie effective, faut-il une nouvelle fois rappeler que le Royaume-Uni est toujours un membre de l’UE à ce stade ?

Selon un rapport du gouvernement britannique qui a récemment fuité dans la presse, le pays perdrait 2% de croissance dans les 15 prochaines années dans le meilleur des cas, celui d’un Brexit sur-mesure impliquant un improbable maintien au sein du marché unique. L’hypothèse la moins favorable sanctionnerait de 8 points la croissance outre-Manche sur la même période. Même si plusieurs membres du Parti conservateur ont tenté de minimiser la crédibilité d’une étude qu’ils jugent spéculative ou inachevée, l’incident met en exergue les inquiétudes qui rongent actuellement les plus hautes sphères de l‘Etat.

Face à la dernière envolée de la Livre, l’Euro fait de la résistance et ce n’est pas anodin. Derrière l’apparente cordialité de leur relation avec Theresa May, Angela Merkel et Emmanuel Macron sont conscients qu’ils ne peuvent pas offrir un Brexit facile aux Britanniques. La France et l’Allemagne ne souhaitent évidemment pas menacer la construction européenne en encourageant d’autres candidats à un tel référendum à emprunter la même voie.

Autre souci et non des moindres, le gouvernement britannique comptait sur une relation privilégiée avec les Etats-Unis pour compenser un potentiel manque à gagner sur le Vieux-Continent. Mais l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche complique les plans des Tories. Le président américain, à l’origine de tweets peu flatteurs à l’égard de Theresa May ou de Sadiq Khan, le maire travailliste de Londres, vient d’annuler une visite prévue en février dans la capitale britannique dans le cadre de l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine, contraignant un peu plus le Royaume-Uni à l’isolement.

Graphiquement, après avoir effacé une résistance à 1.3594 USD, infranchissable en clôture en 2017, il n’aura fallu qu’une petite dizaine de séances au cable pour combler une partie de son gap et rallier 1.43 USD, un niveau largement travaillé au premier semestre de l’année 2016, avant le vote sur le Brexit. Malgré une consolidation légitime, le temps que les moyennes et les oscillateurs se détendent, une nouvelle avancée vers 1.4783 USD, un objectif pourtant si lointain il y a moins d’un mois, s’affirme déjà comme un scénario presque imparable. Jusqu’ici tout va bien.