Buenos Aires (awp/afp) - Le président élu d'Argentine, l'ultralibéral Javier Milei, prône une dollarisation de l'économie où le billet vert cohabiterait avec, puis remplacerait le peso. Mesure controversée dont l'objectif serait de mettre fin à une inflation parmi les plus élevées au monde (143% sur un an).

Plusieurs pays d'Amérique latine sont passés officiellement ou de facto au dollar, visant une stabilité économique et financière que leur monnaie n'offrait pas. Mais jamais un pays de la taille de l'Argentine, 46 millions d'habitants, 3e économie d'Amérique latine, n'a encore dollarisé son économie.

Equateur

Petit pays pétrolier de 17 millions d'habitants, l'Equateur a adopté le dollar en 2000 pour freiner une forte dépréciation de sa monnaie, le sucre, et une forte hausse des prix, qui menaçait d'une hyperinflation.

Le passage du sucre au dollar s'est fait après un congé bancaire, et un gel temporaire de 50% des dépôts.

Le pays a atteint de faibles niveaux d'inflation, voire des périodes de déflation. L'inflation en 2023 devrait avoisiner les 3%.

Pour l'Equatorien de la rue, l'impact est mitigé. Josefina Arboleda, 70 ans, affirme à l'AFP que la dollarisation "a ruiné nos vies. Les prix se sont multipliés d'un jour à l'autre et on a perdu la notion de valeur de l'argent (...) les experts parlent de stabilisation, mais il y a de la pauvreté, tout augmente. Je regrette le sucre".

Salvador

Le Salvador (6,3 millions d'habitants) est passé de sa devise, le colon, au dollar en janvier 2001. L'objectif du gouvernement néo-libéral du président Francisco Florès (1999-2004) était de rendre le pays plus attractif auprès des investisseurs étrangers et réduire les risques d'une dévaluation.

En 2022, l'inflation du pays, qui a également adopté en 2021 le bitcoin comme monnaie légale, était de 7,32%. En 2023, elle devrait atteindre 3,3%.

Mais la dollarisation "a eu ses effets contraires. A l'entrée dans le dollar, les prix des biens et services ont explosé, et ce sont toujours les pauvres qui payent dans ces situations", estime l'économiste indépendant Cesar Villalona. "Et l'on n'a plus de politique monétaire, puisqu'on dépend de ce que les Etats-Unis font avec leur monnaie".

Au quotidien "les gens se plaignent toujours qu'avec le colon on achetait davantage, qu'ils avaient plus d'argent, et qu'avec le dollar on achète moins", explique à l'AFP, Mirna Hernández, 53 ans, commerçante de fruits et légumes à San Salvador.

Panama

Pour ainsi dire "né" avec le dollar, le Panama utilise le billet vert depuis 1904, à côté du balboa, la monnaie locale. Il a été introduit peu après son indépendance de la Colombie et son rapprochement avec les Etats-Unis lors de la construction du canal de Panama, qu'il contrôle depuis 1999.

Seules des pièces sont frappées pour le balboa, pas de billets, et le secteur public n'utilise la monnaie nationale qu'à des fins comptables.

Le Panama enregistre des niveaux d'inflation inférieurs à 3% par an, et une enviable projection de croissance à 6% pour 2023. Mais le petit pays de 4,2 millions d'habitants est l'un des plus inégaux d'Amérique latine, selon la Banque interaméricaine de développement.

Venezuela

Le Venezuela (28 millions d'habitants) connaît une dollarisation informelle depuis fin 2018, lorsque le gouvernement a assoupli le contrôle des changes pour sortir d'une crise aiguë, avec une hyperinflation et une pénurie de liquidités en devise locale, le bolivar.

La forte perte de valeur du bolivar a rendu impossible son utilisation pour le paiement de biens et de services.

Quatre ans plus tard, le pays est sorti de l'hyperinflation, mais conserve une des inflations les plus élevées au monde. En septembre, l'inflation en glissement annuel était de 317%, selon la Banque centrale.

Paradoxalement, le billet vert, symbole de "l'impérialisme américain" et considéré comme "ennemi de la révolution", est devenu la monnaie qui circule le plus dans le pays, selon les estimations des économistes.

Economies bimonétaires

Dans certains pays d'Amérique latine, le dollar est utilisé pour l'achat de certains biens et services. Les contrats de location sont conclus en dollars et les comptes bancaires peuvent être ouverts à la fois en monnaie locale et en dollar.

Parmi ces pays, le Pérou et l'Uruguay, où les prix des biens immobiliers, des véhicules et de l'électroménager sont par exemple fixés en dollars

afp/jh