Washington (awp/afp) - L'hélium est le deuxième élément le plus abondant dans l'univers mais pour les fabricants de semi-conducteurs ou les médecins, il est déjà difficile de s'en procurer, et les sanctions contre la Russie pourraient aggraver la situation.

Une usine en Sibérie est censée à terme produire un tiers de l'hélium dans le monde mais les Occidentaux ayant touché de plein fouet les systèmes de financement russes à la suite de l'invasion de l'Ukraine, les spécialistes du secteur s'inquiètent.

Plusieurs d'entre eux espéraient que cette usine russe réponde en partie aux difficultés d'approvisionnement causées par les problèmes sur un important site aux Etats-Unis.

"Le marché mondial va avoir besoin d'une nouvelle source (d'hélium) en Russie, ou dans un autre pays", explique Phil Kornbluth, un spécialiste de l'industrie de l'hélium.

Or si les sanctions imposées par les Occidentaux "restent en place sur une longue période, cela va devenir compliqué de faire des affaires avec la Russie", avance-t-il.

L'hélium est un gaz inerte utilisé pour gonfler les ballons ou, sous forme liquide, pour refroidir des éléments dans les scanners médicaux.

Il est aussi exploité dans la fabrication des semi-conducteurs, des composants essentiels dans tout appareil électronique mais devenus parfois durs à trouver depuis un an. Aux Etats-Unis, les constructeurs automobiles doivent encore régulièrement suspendre des lignes de production par manque de puces.

Les entreprises qui dépendent de l'hélium ne parviennent déjà pas à en trouver suffisamment, assure Rich Gottwald, directeur d'une fédération basée aux Etats-Unis représentant les sociétés spécialisées dans les gaz industriels et médicaux (Compressed Gas Association).

"Elles commencent à ressentir les effets de ce manque d'hélium sur leurs activités", a-t-il affirmé auprès de l'AFP.

Chaîne d'approvisionnement "fragile"

De nombreuses entreprises devaient déjà jongler avec des chaînes d'approvisionnement en pagaille depuis le début de la pandémie, entre commandes non remplies, livraisons en retard, manque de salariés et de certaines matières premières.

Souvent récupéré lors de l'extraction du gaz naturel, l'hélium n'est produit que dans une poignée de pays, rendant sa propre chaîne d'approvisionnement "fragile" et susceptible de pénurie dès qu'un problème de production survient, explique M. Kornbluth.

Les Etats-Unis en sont le plus gros producteur, avec notamment un gros site de production et de stockage à Amarillo, au Texas, géré par le gouvernement.

Mais ce site est en train d'être cédé à des acteurs privés et a été fermé en juillet dernier pour des raisons de sécurité. Il n'a toujours pas été rouvert.

Beaucoup comptaient sur l'usine de transformation de gaz russe à Amur, construite par le géant de l'énergie Gazprom à l'extrême est du pays, pour prendre le relais.

Théoriquement capable de produire 60 millions de mètres cube d'hélium par an en plus du gaz naturel, le site n'a toutefois fonctionné qu'une courte période l'an dernier avant d'être fermé par un incendie.

"Le téléphone n'arrête pas"

Si les sanctions prises à l'encontre de la Russie durent encore longtemps, elles pourraient affecter les contrats déjà passés avec la Russie.

A plus court terme, elles pourraient inciter les spécialistes non russes pouvant aider au redémarrage de l'usine Amur à garder leurs distances, et empêcher l'hélium produit dans une autre usine Gazprom en Russie d'être exporté en Europe, souligne M. Kornbluth.

De nombreux acteurs du secteur pensaient "que la Russie (...) comblerait le vide laissé par l'absence de production à Amarillo, mais ça va être très compliqué maintenant", abonde le responsable de la fédération professionnelle.

Des entreprises plus petites tentent de répondre à la demande.

"Notre téléphone n'arrête pas de sonner", raconte Nick Snyder, patron de North American Helium, qui produit de l'hélium sur deux sites au Canada.

Selon lui, les sanctions contre Moscou pourraient réfréner la demande pour le gaz russe de façon permanente.

"Je ne pense pas que les principaux acheteurs oublieront ce qui s'est passé quand ils envisageront de se fournir" à nouveau dans le pays, dit-il.

afp/lk