Une décision de justice canadienne annulant la majeure partie de la loi du Premier ministre Justin Trudeau sur l'évaluation environnementale des projets d'exploitation des ressources naturelles a suscité une nouvelle incertitude politique et risque de décourager les investissements, selon des dirigeants d'entreprises et d'industries.

La Cour suprême du Canada a porté un coup dur au gouvernement libéral de M. Trudeau la semaine dernière en jugeant que la loi sur les études d'impact était trop large pour désigner les grands projets devant faire l'objet d'une évaluation environnementale fédérale.

Le Canada a déjà la réputation d'être un pays où il est difficile de construire de grands projets en raison des nombreux obstacles réglementaires et environnementaux. La perspective de nouveaux changements de politique risque d'inquiéter les investisseurs et les dirigeants de l'industrie ont exhorté Ottawa à modifier rapidement la législation.

Nous n'avons pas encore reçu d'inquiétude de la part des investisseurs, mais je pense que si l'incertitude se dissipe quant à la manière dont ils vont aller de l'avant, cela pourrait commencer à avoir un impact", a déclaré Mark Selby, PDG de Canada Nickel Company, dont le projet Crawford Nickel, dans le nord-est de l'Ontario, fait l'objet d'une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement.

M. Selby s'est dit "très satisfait" de la procédure d'AIA jusqu'à présent et surpris par la décision du tribunal.

La principale province productrice de pétrole du Canada, l'Alberta, qui a intenté une action en justice contre l'AAI, a célébré la décision comme une victoire pour la compétence provinciale et le développement des ressources naturelles. L'Association canadienne des producteurs pétroliers, qui est intervenue dans l'affaire, a également déclaré que la loi entravait le développement de projets.

Cette décision laisse 23 grands projets de ressources naturelles et d'infrastructures en cours d'évaluation dans l'attente d'une clarification, alors que l'Agence canadienne d'évaluation d'impact (ACEI) examine l'avis du tribunal.

"L'incertitude prolongée est un obstacle à la construction des mines et des infrastructures dont nous avons besoin de toute urgence pour atteindre nos objectifs en matière de changement climatique, de sécurité de la chaîne d'approvisionnement et de minéraux essentiels", a déclaré l'Association minière du Canada dans un communiqué.

Cette décision intervient alors que le Canada cherche à obtenir des milliards de dollars d'investissements nouveaux pour mettre au jour des minéraux qui jouent un rôle clé dans la transition vers une économie plus verte. Plus de 20 milliards de dollars de capitaux étrangers ont fui le secteur pétrolier depuis 2017, en partie à cause des retards dans la construction de nouveaux oléoducs.

Le PDG de Suncor Energy, dont le projet d'extension de la mine de base de sables bitumineux dans le nord de l'Alberta fait l'objet d'une étude d'impact, a prévenu cette semaine que l'imprévisibilité de la politique énergétique canadienne faisait fuir les capitaux.

Suncor n'a pas répondu aux demandes de commentaires sur l'impact de la décision de justice.

La décision soulève également des questions quant à la capacité du Canada à faire adopter une législation clé sur le climat et à la possibilité qu'Ottawa soit confronté à de nouvelles contestations juridiques concernant d'autres politiques. L'Alberta s'oppose fermement au règlement sur l'électricité propre et au plafonnement des émissions de pétrole et de gaz.

UNE CUISINE EN MOINS

Malgré l'incertitude immédiate, certains experts politiques ont déclaré que la décision de la Cour devrait en fin de compte améliorer les évaluations environnementales canadiennes.

Le gouvernement fédéral s'est engagé à travailler rapidement à l'amélioration de la législation. Un porte-parole de l'IAAC a déclaré que l'agence communiquerait plus de détails sur l'approche prévue dans les jours à venir.

Heather Exner-Pirot, conseillère spéciale au Conseil des affaires du Canada, a déclaré que la décision était l'occasion d'améliorer une politique fédérale défectueuse.

Un comité ministériel axé sur l'efficacité réglementaire des projets de croissance propre, créé en septembre et présidé par le ministre du travail Seamus O'Regan, examinera les amendements possibles à l'AIA, a indiqué une source gouvernementale.

"M. O'Regan est le ministre le plus favorable au développement qui soit", a ajouté M. Exner-Pirot.

Le Canada finira probablement par adopter une législation similaire à la loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE), que l'AIA a remplacée, a déclaré Robin Junger, ancien chef du bureau d'évaluation environnementale de la Colombie-Britannique et associé du cabinet d'avocats McMillan.

Selon lui, la modification de la loi sur l'évaluation environnementale pourrait supprimer les doublons avec les évaluations environnementales et les autorisations provinciales, ce qui permettrait d'avoir "un cuisinier de moins dans la cuisine". (Reportage de Nia Williams et Divya Rajagopal ; Rédaction de Denny Thomas et Josie Kao)