Washington (awp/afp) - La Libra, la monnaie numérique que veut lancer Facebook, inquiète les gouvernements du G7 qui se retrouvent jeudi à Washington, pour trouver une réponse à cette initiative qui pourrait mettre à mal un instrument de leur souveraineté: la monnaie.

Les ministres des Finances du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande Bretagne, Italie et Japon) se retrouvent en début de soirée pour prendre connaissance d'un rapport présenté par le membre du directoire de la Banque centrale européenne, Benoît Coeuré, sur les cryptomonnaies et Libra en particulier.

La monnaie numérique doit offrir un mode de paiement alternatif aux circuits bancaires traditionnels, un bouleversement qui suscite des espoirs mais aussi beaucoup de scepticisme et de résistances.

Bon nombre de régulateurs et de gouvernements s'inquiètent notamment de la mauvaise réputation du groupe américain en matière de confidentialité et de protection des données personnelles. De plus, ils redoutent que la Libra ne soit utilisée pour tromper le fisc ou financer le terrorisme.

La taille de Facebook, premier réseau social du monde avec 2,7 milliards d'utilisateurs (en comptant Instagram, WhatsApp, Messenger...), implique aussi que la nouvelle monnaie pourrait perturber le système financier mondial et rendre la tâche plus difficile aux banques centrales.

Lors de sa dernière réunion en juillet à Chantilly, au nord de Paris, le G7 Finances avait demandé à M. Coeuré un rapport pour évaluer les risques de ces monnaies numériques pour les Etats et les banques centrales, qui sont pour le moment les seuls à avoir le droit de battre monnaie.

La France, qui préside cette année le G7, prévoit de publier une déclaration au terme de cette réunion, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.

A Chantilly, les ministres des Finances avaient déjà alerté sur les risques pour le système financier international des projets de cryptomonnaies.

"Les ministres et les gouverneurs se sont mis d'accord pour dire que des projets comme la Libra pourraient avoir des répercussions sur la souveraineté monétaire et le fonctionnement du système monétaire international", avait souligné la déclaration finale de la réunion.

Autoriser Libra ou pas ?

Entre cette première rencontre et celle prévue jeudi soir à Washington, les déclarations se sont multipliées, M. Le Maire n'hésitant pas à annoncer il y a un mois, lors d'une intervention à l'OCDE, qu'il n'autoriserait pas "le développement de la Libra sur le sol européen".

Le ministre français est revenu à la charge dans une tribune publiée jeudi dans le Financial Times en amont de la réunion du G7 Finances à Washington, en assurant que la cryptomonnaie de Facebook constituait "une menace pour la souveraineté des Etats".

Entretemps, Yves Mersch, membre du directoire de la BCE, a aussi alerté cet automne que "Libra" annoncée par Facebook pourrait nuire à la politique monétaire de la zone euro et à la monnaie unique.

Aux Etats-Unis, Lael Brainard, membre du directoire de la Fed dans un discours sur les monnaies numériques à Washington, a dressé mercredi une longue liste de défis règlementaires auxquels devront faire face les émetteurs de monnaies numériques.

"La Libra et tout autre projet de cryptomonnaie stable ("stablecoin") à l'échelle mondiale doivent répondre à une série de difficultés règlementaires et légaux avant de pouvoir faciliter un paiement", a-t-elle affirmé.

La réunion du G7 Finance et les déclarations de Mme Brainard interviennent une semaine avant que le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, ne témoigne devant une commission financière de la Chambre des représentants le 23 octobre.

M. Zuckerberg était déjà jeudi à Washington pour participer à des discussions sur la liberté d'expression.

Pour sa part, la Chine, qui ne fait pas partie du G7 et qui avait décidé il y a deux ans de mettre les cryptomonnaies à l'index, accélère les préparatifs de sa propre monnaie virtuelle.

L'association Libra, qui doit gérer la future monnaie virtuelle souhaitée par Facebook, a été officiellement mise sur pied lundi par 21 membres fondateurs à Genève dont PayU, les groupes de télécommunications Vodafone et Iliad, les plateformes Uber, Spotify ou Farfetch, des acteurs de la blockchain comme Anchorage, Xapo ou Coinbase, des fonds de capital-risque comme Andreessen Horowitz, Ribbit Capital ou des organisations à but non lucratif comme Kiva ou Mercy Corps.

Pour autant, le projet a été récemment affaibli par la défection de Paypal, Visa, Mastercard ou eBay.

afp/rp