(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Les marchés mesurent mal les risques, selon Allianz GI

* Les tensions commerciales ne vont pas disparaître

* Le Brexit considéré à tort comme un risque secondaire

* Le discours des banques centrales rassure les investisseurs

* Le revirement de la Fed change la donne pour le crédit

par Patrick Vignal

PARIS, 3 juin (Reuters) - Les marchés financiers font preuve d'une trop grande complaisance face aux menaces d'ampleur qui planent sur eux et ne se limitent pas aux vives tensions entre les Etats-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux, dit-on chez Allianz Global Investors.

"Les risques ne sont pas suffisamment intégrés par les marchés d'actions et, dans une certaine mesure, par corrélation, par les marchés du crédit", dit à Reuters Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires de la branche de gestion d'actifs de l'assureur allemand.

"Nous ne sommes pas fondamentalement inquiets pour le marché du crédit mais la corrélation historique actions-crédit fait qu'il faut être prudent", ajoute-il.

Les tensions entre Washington et Pékin sur le commerce entraînent bien quelques poussées de volatilité mais d'autres risques, notamment la perspective du divorce entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne, sont clairement sous-estimés, selon Franck Dixmier.

"Il est hallucinant de constater que la question du Brexit est considérée comme assez secondaire par le marché alors qu'il s'agit d'un facteur de disruption majeur", dit-il à Reuters.

"Il n'y a rien de bon à attendre et il est totalement illusoire, du côté britannique, de penser qu'on peut renégocier un accord. L'accord est fait et les Européens ne bougeront plus d'une semelle."

Si les résultats des élections européennes sont favorables au marché, notamment parce que la percée des forces hostiles à la construction européenne a été contenue, des risques persistent cependant, du côté de la Grande-Bretagne mais aussi de l'Italie, ajoute l'expert d'Allianz GI.

Franck Dixmier dit ne pas croire que le bras de fer entre le vice-président du Conseil Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), sorti grand vainqueur du scrutin, et la Commission européenne puisse aboutir à des sanctions contre l'Italie pour déficit excessif.

LA DETTE ITALIENNE SOUS PRESSION

Le problème de la dette italienne ne va pas s'en aller pour autant, avec des tensions à prévoir sur les écarts de rendement ("spreads"), ajoute-t-il.

"La dette italienne n'est pas soutenable si l'on ramène le coût moyen de son financement à la croissance nominale. On est dans une trajectoire de détérioration croissante avec des effets à prévoir sur les spreads", dit-il.

L'affrontement commercial entre les Etats-Unis et la Chine est également appelé à durer, selon lui.

"La problématique commerciale va nous accompagner pendant des années. L'évolution de la rhétorique côté chinois ces dernières semaines ne laisse augurer rien de bon. Dans les médias chinois, on ne parle plus de tensions commerciales mais de guerre commerciale", dit-il.

"Il n'y a rien à attendre des Chinois sur les subventions qu'ils accordent aux grands groupes, qui sont présents dans tous les domaines, ni du côté de la propriété intellectuelle. Sur des sujets qui sont centraux, on s'aperçoit que les marges de négociations sont extrêmement limitées."

Même si Donald Trump pourrait avoir intérêt à arracher une forme d'accord pour ne pas compromettre ses chances d'être réélu, l'affrontement ne se poursuivrait pas moins par la suite, fait valoir pour sa part Vincent Marioni, directeur des investissements crédit Europe pour Allianz GI.

"Donald Trump souffle le chaud et le froid parce qu'il ne peut pas se permettre de casser les marchés, sachant qu'il a bâti sa crédibilité sur les marchés", dit-il. "Ce que l'on pourrait avoir, c'est un accord en trompe-l'oeil mais on est parti pour une longue lutte pour la suprématie et les Chinois ont le temps pour eux."

LE RENDEMENT RECHERCHÉ SUR LE MARCHÉ DU CRÉDIT

Malgré tout cela, les marchés font preuve d'un étonnante sérénité, notamment du côté des actions, constate Franck Dixmier.

"Les marchés sont complaisants d'une manière générale vis-à vis des niveaux de risques, en raison d'une part du filet de sécurité des banques centrales, et de l'autre de l'effet Trump. Il va entrer en campagne incessamment et il a besoin d'un marché actions haussier et de résultats pour espérer être réélu", dit-il.

"Il y a donc ces deux facteurs qui sont à l'oeuvre qui expliquent cette espèce de complaisance. Si les marchés de taux intègrent les risques au niveaux des taux coeurs, c'est-à-dire les Treasuries américains et le Bund allemand, les marchés actions par contre, sont extrêmement résilients, notamment aux Etats-Unis avec une volatilité implicite sur le S&P 500 qui reste en dessous de sa moyenne annuelle."

Le virage opéré par la Réserve fédérale américaine, qui a clairement laissé entendre en mars dernier que son cycle de resserrement monétaire était terminé, a une incidence plus nette sur le marché du crédit, où il favorise la recherche du rendement par un retour sur les actifs les plus risqués comme la dette d'entreprise classée en catégorie spéculative ("high yield"), explique pour sa part Vincent Marioni.

"Il y a un changement d'état d'esprit avec le changement de contexte au niveau des banques centrales puisque vous savez aujourd'hui que vous n'aurez pas forcément des niveaux plus attractifs à horizon 6-12 mois sauf s'il y avait récession, avec un risque sur la partie basse du crédit, ce qui n'est pas notre scénario.

"Les investisseurs sont aujourd'hui pris en tenaille entre ce besoin de rendement, que vous allez difficilement trouver ailleurs et que vous n'avez plus l'espoir de trouver dans 6-12 mois en raison de l'évolution des taux. En même temps, ils ne sont pas tous très à l'aise parce que l'économie ralentit, qu'il y a toujours cette crainte sous-jacente d'une entrée en récession et que les prix ont monté." (édité par Blandine Hénault)