Le débat se poursuit sur le dossier Casino, entre ceux qui pensent qu'il est extrêmement bon marché et ceux qui estiment qu'il n'a pas encore touché le fond. Avec près de 15,5% d'intérêts vendeurs, la balance penche actuellement clairement du côté des seconds. Ce matin, Bernstein a publié une étude aboutissant à une réduction de la valorisation de Casino à 20 EUR, contre un titre qui cote actuellement un peu plus de 29 EUR. En dépit des apparences, le bureau d'études est plutôt constructif, en rappelant que le distributeur lui-même ne fait pas face à une crise de liquidités, mais que ses holdings sont plus tendus. Il propose d'ailleurs des pistes pour y remédier.
 
Chez AlphaValue, on est plus radical, mais dans l'autre sens. Nishant Choudhary pense qu'il y a une solide opportunité d'achat avec un cœur bien accroché. L'analyste réitère les postulats de base qu'il a développés ces dernières semaines : il n'y a pas de craintes sur le free cash-flow chez Casino France, qui reste bien positionné malgré la pression concurrentielle et qui a lancé des chantiers majeurs dans le commerce en ligne. En conséquence, Rallye devrait continuer à bénéficier de généreux dividendes. En outre, le management a encore une poche de cessions disponibles et la dette de Rallye n'est pas soumise à des covenants bancaires. Enfin, et même si le holding doit améliorer son profil, Rallye a les moyens d'honorer sa dette proche. Choudhary voit (très) bien le scénario de 2016 se reproduire (-60% pour l'action en six mois, avant un gros rebond).
 
Contre-pied

Pourquoi Casino est-il un "must-buy", comme le décrit l'analyste ? D'abord, parce que la punition subie est vraiment excessive au regard des performances opérationnelles. Ensuite parce que la remontée de la dette au premier semestre, qui a tant effrayé le marché, est une aberration qui devrait être corrigée rapidement, pour reprendre la tendance à l'allègement du bilan constatée sur les dernières années. Une meilleure contribution du périmètre latino-américain serait la cerise sur le gâteau. "Tout bien pesé, l'action offre un potentiel substantiel pour tout investisseur qui saurait se montrer un peu patient", poursuit l'analyste d'AlphaValue.
 
Le spécialiste se lâche aussi sur les opportunités qui pourraient apparaître, un peu comme son confrère de Bernstein l'a fait ce matin en dressant les options de désendettement et/ou de réorganisation possibles. Son propos est plutôt de lister les partenaires potentiels du groupe, à l'heure ou Jean-Charles Naouri a peut-être envie d'un peu d'aide (en conservant le contrôle malgré tout par le truchement des droits de vote). Et les prétendants potentiels sont nombreux, à divers degrés. Nishant Choudhary place Amazon en pôle-position, d'autant que les deux groupes vont déjà collaborer via Monoprix. Au passage, pour ceux qui s'interrogent sur l'avenir du secteur, l'analyste estime in fine que le panorama mondial se réduira à terme en une compétition à trois, opposant Amazon, Alibaba et la "Troïka JD.com" (avec Wal-Mart et Tencent). Parenthèse refermée. Outre les acteurs de la distribution, un fonds souverain qui passerait par là pourrait aussi en profiter, estime AlphaValue. En bonus, le tableau produit par le bureau d'études sur les prétendants possibles :
 

Traduction du tableau réalisé par AlphaValue (Cliquer pour agrandir)
 
Pour finir, Nishant Choudhary partage quelques réflexions :
  • Il n'est pas préoccupé par le débat sur la transparence des comptes, car la loi française est très stricte, bien plus que la loi britannique par exemple ("c'est une des raisons pour lesquelles un scandale à la Steinhoff ou à la Tesco est hautement improbable").
  • Les positions à découvert ne dureront pas indéfiniment (cf. 2016).
  • Les autorités françaises ne verraient pas d'un bon œil une prise de contrôle par les créanciers, notamment au regard des conséquences sociales.
  • L'AMF veille et a rappelé à l'ordre les vendeurs à découvert sur leurs obligations réglementaires.
  • Le fils de Jean-Charles Naouri a quitté le groupe en 2017, ce qui réduit le risque d'une gestion dynastique.
  • Cependant, l'analyste n'est qu'à "accumuler" et pas à "acheter" sur le dossier, car le contexte oblige le management à remplir les objectifs, notamment de désendettement, conformément à ce qui est attendu, sans accrocs. Et il faudrait éviter les cadavres dans le placard. Car si Choudhary pense que les craintes sur la dette sont excessives, il n'a manifestement pas apprécié la découverte d'outils d'optimisation de la dette comme les opérations de sale and lease-back ou l'ingénierie financière avec Segisor. A bon entendeur…