Zurich (awp) - L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) pointe des manquements de la part de Credit Suisse en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Dans plusieurs cas, le numéro deux bancaire helvétique a omis d'effectuer des vérifications à propos de ses clients.

Dans un communiqué diffusé lundi, la Finma indique avoir clos deux procédures visant Credit Suisse. Dans un premier cas, le "comportement fautif" du numéro deux bancaire helvétique s'est inscrit dans le cadre de cas présumés de corruption en lien avec la Fédération internationale de football Fifa, ainsi qu'avec les groupes pétroliers brésilien Petrobas et vénézuélien PDVSA.

Le régulateur reproche à Credit Suisse d'avoir manqué pendant plusieurs années à ses obligations prudentielles de lutte contre le blanchiment. L'établissement de la Paradeplatz a ainsi omis notamment de vérifier l'identité de cocontractants et d'ayants droit économiques et de classer des relations d'affaires comme particulièrement risquées.

La période examinée, qui s'étend de 2006 à 2016, a débouché sur une seule et même procédure d'examen approfondi (enforcement), en raison du lien de connexité entre les trois affaires. Les manquements répétés constatés par la Finma concernent principalement la banque Clariden Leu, une ancienne société du groupe.

Client politiquement exposé

Le deuxième cas concerne une relation d'affaires "importante pour la banque" avec une personne politiquement exposée (PEP), dont l'identité n'est pas révélée dans le communiqué. "La banque n'a pas suffisamment satisfait à ses obligations élevées de diligence en matière de clarifications, de plausibilisation et de documentation", estime la Finma.

La procédure ouverte en 2016 a révélé la violation "répétée et actée" des dispositions de la banque en matière de conformité fiscale (compliance) de la part d'un conseiller clientèle "très performant" en termes d'actifs sous gestion. Mais plutôt que d'être sanctionné, ce dernier s'est vu récompenser par des primes juteuses et des évaluations positives.

Pour rappel, en mars 2016, l'ancien premier ministre géorgien Bidzina Ivanishvili avait déposé à Genève une plainte pénale contre Credit Suisse. En août 2018, il avait fait de même à Singapour, en Nouvelle-Zélande et aux Bermudes. L'ex-notable avait alors affirmé avoir perdu "des centaines de millions de dollars" en raison des agissements d'un gestionnaire de la banque.

Celui-ci a écopé en février dernier d'une peine de 5 ans de prison pour avoir détourné 143 millions de francs suisses et s'être enrichi à hauteur de 30 millions en menant des opérations à l'insu de ses clients et de son employeur.

Mesures renforcées

L'autorité de tutelle des banques souligne que Credit Suisse a pris depuis fin 2015 des mesures visant à renforcer sa compliance, ainsi que dans la lutte contre le blanchiment. Malgré des améliorations "parfois substantielles", elle a ordonné des mesures supplémentaires "afin que soit rétabli l'ordre légal" et va nommer un chargé d'audit pour en vérifier la mise en oeuvre complète.

Dans un communiqué distinct, Credit Suisse reconnaît les conclusions du régulateur, mais insiste sur le fait que les procédures n'ont débouché sur aucune amende, restitution de bénéfices ou limitation d'activités commerciales.

La banque aux deux voiles signale avoir déjà pris des mesures dans le sens de ce que préconise la Finma, notamment le recrutement de plus de 800 spécialistes chargés de la conformité fiscale au niveau mondial, ainsi que de 40 analystes de données, chargés de "détecter les risques en temps réel".

La banque a par ailleurs introduit un "nouveau cadre de rémunération" permettant d'évaluer la performance en tenant compte des risques et créé une commission de conduite et d'éthique présidée par deux membres du directoire, censée s'assurer que les affaires son menées "conformément aux standards les plus élevés".

Les annonces de la Finma ne vont pas calmer les esprits, maintenant que le régulateur s'est exprimé "noir sur blanc" sur la qualité de la lutte de Credit Suisse contre le blanchiment, estime la Banque cantonale de Zurich (ZKB).

Morgan Stanley, relève pour sa part que dans une interview à la NZZ am Sonntag, le patron de la banque, Tidjane Thiam, a considéré comme réalistes des bénéfices annuels de 5-6 milliards de francs suisses, maintenant que la restructuration touche à sa fin.

A la clôture, le titre Credit Suisse a pris 0,6% à 14,55 francs suisses, tandis que le SMI a reculé de 0,37%.

buc/al/vj/ol