La polémique sur la privatisation de la société ATB a franchi un palier ces dernières semaines lorsque Casil Europe, actionnaire privé issu du consortium chinois Symbiose, a décidé de céder sa participation au capital de la société.

Edeis, qui gère déjà 19 aéroports en France depuis le rachat en 2016 des actifs français qui appartenaient au Canadien SNC-Lavalin, est également candidat au rachat des 10,01% de parts détenues par l'Etat dans le capital d'ATB.

Dans la région Occitanie, le groupe exploite les plateformes de Nîmes, Tarbes-Lourdes et l'aéroport d'affaires de Toulouse-Francazal dont il détient 51% aux côtés d'ATB (39%) et de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse (10%). Il est par ailleurs engagé dans les appels d'offres des concessions des aéroports de Perpignan et Carcassonne.

Baptisé "Aéroports d'Occitanie" (AD'OC), le projet d'Edeis est de faire de l'Occitanie "le deuxième hub aéroportuaire français derrière la région parisienne".

AD'OC prendrait la forme d'une société à mission, nouveau statut prévu dans le cadre de la loi Pacte, dans laquelle Edeis "apportera sa filiale Edeis Concessions", explique le groupe dans un document de travail transmis à Reuters.

OUVERT A D'AUTRES ACTIONNAIRES

"La société ainsi créée se portera naturellement acquéreuse des parts détenues par Casil Europe et par l'Etat dans la société Aéroport Toulouse-Blagnac", confirme le groupe qui prévoit de transférer son siège parisien à Toulouse "pour le fondre dans la toute nouvelle entité régionale ainsi créée".

Le groupe proposera aux quatre actionnaires publics locaux d'ATB, la CCI de Toulouse, Toulouse Métropole, la région Occitanie et le département de Haute-Garonne qui conservent 40% de son capital de devenir coactionnaires de cette nouvelle société en apportant leurs titres.

"Le capital de la société pourra être ouvert à d'autres actionnaires, industriels ou financiers, notamment régionaux", précise le groupe en ajoutant que cette nouvelle structure aurait également vocation à promouvoir les transports du futur.

L'ancienne base militaire de Toulouse-Francazal abrite déjà le projet de démonstrateur Hyperloop Transportation Technologies (HTT) de train futuriste à très grande vitesse ou encore la société Eva qui porte un projet d'appareil volant autonome.

D'après Edeis, la société AD'OC pourra aussi "s'intéresser à des projets appartenant à des domaines concessifs autres que l'aéroportuaire tels que la gestion des ports".

Le Département de Haute-Garonne a confirmé avoir été contacté par Edeis qui a évoqué la "possibilité d'un consortium ou d'une entente avec les actionnaires publics". Une rencontre devrait avoir lieu prochainement.

Dans le dossier toulousain, trois entreprises ou groupements au moins se sont manifestés auprès de la banque Lazard, mandatée par Casil Europe pour recevoir les offres de rachat. On compte notamment Vinci Airports, allié à la Caisse des dépôts Infrastructure et à Predica (groupe Crédit Agricole), le groupe de BTP Eiffage et le réseau Banque Populaire Occitane-Caisse d’Epargne Midi Pyrénées associé à la société de capital investissement Ardian et aux fonds Mirova (Natixis).

POLÉMIQUE SUR LA PRIVATISATION

L'officialisation de la candidature d'Edeis intervient au moment où les syndicats CGT, Solidaires et FSU ont entrepris une action en justice pour demander la mise sous séquestre des actions détenues par Casil Europe au capital de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac en vue de bloquer une vente éventuelle à un acheteur privé.

Une audience en référé devant le tribunal de commerce de Paris est prévue le 13 mars prochain.

La décision de Casil Europe de revendre ses parts acquises en avril 2015 pour 308 millions d’euros, après avoir perçu près de 30 millions d'euros de dividendes en quatre ans, serait liée au choix de l’Etat de conserver les 10,01% qu’il lui reste au capital d’ATB, affirment plusieurs sources proches du dossier.

Les actionnaires publics de la société Aéroport de Toulouse rencontreront le 6 mars le ministre de l’Economie Bruno le Maire. Ils veulent obtenir de l'Etat la garantie écrite qu'il conservera ses fameux 10,01%.

(Edité par Yves Clarisse)

par Johanna Decorse